Dans une escalade surprenante des tensions transfrontalières, l’administration du Premier ministre Mark Carney est aux prises avec les graves répercussions économiques de la mise en œuvre surprise par le président Donald Trump de tarifs punitifs contre les produits canadiens. Ces mesures, ostensiblement liées à la gestion canadienne du trafic de fentanyl, ont envoyé des ondes de choc à travers les marchés financiers et laissé Ottawa à la recherche d’une réponse cohérente.
“C’est une guerre économique déguisée en politique antidrogue,” a remarqué Dr. Helena Voss, économiste en chef à la Banque Royale du Canada. “Le moment ne pourrait être pire pour la reprise économique déjà fragile du Canada.”
Les tarifs, allant de 10 à 25% sur les principales exportations canadiennes, notamment le bois d’œuvre, l’aluminium et les pièces automobiles, ont déjà provoqué une baisse de 3,2% du dollar canadien face à son homologue américain. La Bourse de Toronto a connu sa plus forte chute en une seule journée depuis 14 mois, les secteurs manufacturiers et des ressources supportant le gros de l’anxiété des investisseurs.
Au cœur de la justification de Trump se trouve l’accusation que le Canada n’a pas réussi à endiguer le flux de précurseurs de fentanyl fabriqués en Chine traversant la frontière commune. Bien que les douaniers canadiens aient signalé une augmentation de 43% des saisies de ces produits chimiques au cours de l’année écoulée, l’administration Trump a jugé ces efforts “totalement insuffisants” et “facilitant l’empoisonnement des communautés américaines.”
La ministre des Finances Chrystia Freeland a tenté de minimiser l’impact économique, qualifiant les mesures de “temporaires et négociables”, mais des projections internes du gouvernement obtenues par CO24 dressent un tableau plus sombre. L’analyse confidentielle suggère une contraction potentielle du PIB de 0,7% si les tarifs restent en place jusqu’à la fin de l’année, avec plus de 38 000 emplois immédiatement menacés dans les secteurs dépendants de l’exportation.
Pour Carney, qui a fait campagne sur des promesses de stabilité économique et d’amélioration des relations canado-américaines, la crise représente son premier test majeur en politique étrangère. Son expérience antérieure en tant que gouverneur de la Banque d’Angleterre et cadre chez Goldman Sachs n’a guère réussi à le protéger des critiques selon lesquelles il a été pris au dépourvu par le positionnement économique agressif de Trump.
“L’expérience du Premier ministre dans la finance internationale était censée être sa force,” a noté l’analyste politique Jérôme Bertrand de l’Université de Toronto. “Au lieu de cela, nous voyons comment l’expertise théorique ne se traduit pas toujours par une gestion efficace des crises diplomatiques réelles.”
Les leaders industriels à travers le Canada tirent la sonnette d’alarme. Dans le quartier sidérurgique de Hamilton, le géant manufacturier Dofasco a déjà annoncé un ralentissement de la production affectant 1 200 travailleurs. Pendant ce temps, les producteurs de bois de la Colombie-Britannique estiment des pertes dépassant 780 millions de dollars au cours des six premiers mois si les tarifs restent inchangés.
Le Parti conservateur de l’opposition a saisi l’occasion, le chef Pierre Poilievre déclarant que les tarifs sont “le résultat prévisible de l’incompétence libérale en matière de sécurité frontalière.” Son parti a gagné 4 points dans les derniers sondages nationaux, suggérant que les turbulences économiques remodèlent déjà le paysage politique canadien.
Les experts en commerce international soulignent des parallèles inquiétants avec le premier mandat de Trump, lorsque des menaces tarifaires similaires ont été utilisées comme levier dans les renégociations de l’ALENA. “Le scénario est familier,” explique Dr. Miguel Santana de l’Institut Peterson d’économie internationale. “Utiliser la douleur économique comme monnaie d’échange, quelle que soit la justification avancée.”
Les ministres du Cabinet seraient divisés sur la réponse appropriée. Des sources au sein du gouvernement révèlent que la ministre du Commerce Mary Ng a plaidé pour des tarifs de représailles immédiats sur les importations américaines, tandis que d’autres favorisent une approche plus diplomatique via les mécanismes commerciaux existants.
Alors que les réunions économiques d’urgence se poursuivent à Ottawa, la question demeure : Carney peut-il tirer parti de sa réputation internationale et de son acuité financière pour désamorcer cette crise, ou l’économie canadienne deviendra-t-elle un dommage collatéral du nationalisme économique américain renouvelé? La réponse pourrait déterminer non seulement la trajectoire économique du Canada, mais aussi l’avenir politique d’un Premier ministre dont le leadership fait maintenant face à son défi décisif.