Dans les coins tranquilles de Collingwood, une révolution culturelle se prépare depuis un demi-siècle. Cette année marque le 50e anniversaire de la Fondation des Arts de Collingwood, une institution qui s’est transformée d’une modeste initiative communautaire en pilier de l’identité créative de notre région. En déambulant dans leur exposition anniversaire le week-end dernier, je n’ai pu m’empêcher de réfléchir à quel point une seule organisation peut redéfinir la relation d’une communauté avec l’art et l’expression.
Le parcours de la Fondation a commencé en 1974, quand un petit groupe de visionnaires a reconnu ce dont Collingwood avait désespérément besoin—un cœur culturel. “Nous n’étions qu’une poignée de rêveurs obstinés à l’époque,” se souvient Margaret Wilson, l’une des membres fondatrices du conseil d’administration, maintenant octogénaire mais toujours vive d’esprit. “Personne ne pensait qu’une petite ville comme la nôtre avait besoin d’art. Nous n’étions pas d’accord.”
Ce désaccord initial s’est épanoui en quelque chose de remarquable. En cinq décennies, la Fondation a octroyé plus de 2,5 millions de dollars en subventions aux artistes locaux, établi trois grands festivals annuels, et transformé des espaces industriels abandonnés en centres créatifs florissants. L’impact économique est indéniable—une étude récente estime que les initiatives de la Fondation génèrent maintenant plus de 8 millions de dollars annuellement en tourisme et revenus connexes pour la région.
Ce qui rend l’histoire de Collingwood particulièrement captivante, c’est comment elle contredit le récit du déclin culturel dans les petites villes. Alors que de nombreuses communautés ont vu leurs scènes artistiques se flétrir à mesure que les jeunes talents fuient vers les centres urbains, Collingwood a connu le phénomène inverse. Le programme de résidence d’artistes de la Fondation, établi en 1995, a attiré des créateurs de partout au pays et au-delà, dont beaucoup ont choisi de s’installer définitivement.
“Nous avons créé un écosystème, pas seulement une source de financement,” explique le directeur actuel James Thompson. “Les artistes ont besoin d’argent, oui, mais ils ont aussi besoin d’espace, de communauté, et du sentiment que leur travail compte au-delà des murs des galeries.”
Cette philosophie d’intégration plutôt que d’isolation a été la clé du succès de la Fondation. Plutôt que de créer de l’art pour l’art, ils ont constamment connecté la production créative aux besoins de la communauté. Leur Programme de Sensibilisation dans les Écoles touche plus de 3 000 élèves chaque année. L’Initiative des Arts Guérisseurs apporte des ateliers aux maisons de retraite et à l’hôpital régional. Le Fonds d’Art Public a installé 47 œuvres permanentes dans toute la région, transformant les espaces quotidiens en rencontres avec la beauté et le sens.
La dimension économique ne peut être négligée. Alors que l’industrie manufacturière déclinait dans les années 1990, Collingwood a fait face à la crise d’identité qui a touché d’innombrables petites villes. Le plaidoyer persistant de la Fondation pour les industries créatives a aidé à combler le vide. Aujourd’hui, le “Corridor Créatif de Collingwood“—une série d’anciens entrepôts abritant maintenant des studios, des galeries et des startups de médias numériques—emploie directement plus de 200 personnes, avec des centaines d’autres dans des rôles de soutien.
La célébration de l’anniversaire se poursuit tout au long de l’année avec des événements qui reflètent l’évolution de la Fondation. Le symposium “Regard vers l’avant/Regard en arrière” du mois prochain réunira des leaders culturels de tout le Canada pour discuter de l’avenir du financement des arts dans les petites communautés—une conversation de plus en plus pertinente alors que davantage de Canadiens cherchent des alternatives à la vie urbaine après la pandémie.
Bien sûr, des défis subsistent. La Fondation fait face aux mêmes pressions de financement qui affectent les organisations artistiques partout. La compétition pour les subventions s’est intensifiée. Les changements démographiques impliquent de cultiver de nouvelles générations de supporters. La transformation numérique exige de nouvelles approches pour l’engagement du public.
Pourtant, il existe un optimisme contagieux parmi ceux qui sont impliqués avec la Fondation. “Nous ne préservons pas simplement la culture,” dit Thompson. “Nous la créons activement, chaque jour, avec chaque personne qui s’engage avec nos programmes.”
Alors que les communautés à travers le Canada cherchent des avenirs durables, le modèle de Collingwood offre des leçons précieuses. L’art n’est pas un luxe ajouté après que les besoins fondamentaux soient satisfaits—c’est un catalyseur qui peut aider à répondre à ces besoins en premier lieu. En tissant la créativité dans le tissu de la vie communautaire plutôt que de la séquestrer dans des espaces culturels désignés, la Fondation a démontré que la culture n’est pas quelque chose que nous consommons, mais quelque chose que nous produisons collectivement.
Les cinquante prochaines années apporteront sans doute des changements inimaginables pour ces membres pionniers du conseil d’administration de 1974. Mais si les cinq dernières décennies sont une indication, l’évolution culturelle de Collingwood continuera à défier les attentes et à inspirer des mouvements similaires à travers le pays. À une époque où tant d’institutions communautaires luttent pour prouver leur pertinence, la Fondation des Arts de Collingwood se présente comme une preuve puissante que l’investissement dans la créativité rapporte des dividendes qui transcendent les bilans comptables et transforment des vies.