Dans une négociation dramatique de dernière minute, Postes Canada a présenté ce qu’elle qualifie d'”offre finale” au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), alors que la société d’État fait face à une pression financière croissante et à la possibilité d’interruptions de service à l’échelle nationale. Cette proposition survient dans un contexte de détérioration des conditions économiques du service postal, qui a déclaré une perte stupéfiante de 386 millions de dollars pour le seul premier semestre de 2024.
“Cette offre représente notre engagement envers nos employés et la durabilité des services postaux partout au Canada,” a déclaré Dale Ross, négociateur en chef de Postes Canada, dans un communiqué publié jeudi. “Nous avons fait d’importantes concessions tout en équilibrant notre réalité fiscale.”
La proposition complète comprend une augmentation salariale de 3,2 % sur trois ans, des prestations de santé améliorées et de nouvelles dispositions pour la sécurité d’emploi, particulièrement pour les facteurs ruraux et suburbains qui ont historiquement reçu moins de protections que leurs homologues urbains. Toutefois, l’offre introduit également des modalités d’horaires plus flexibles que la société juge nécessaires pour s’adapter à l’évolution des volumes de courrier.
La direction du STTP a réagi avec un scepticisme mesuré. “Bien que nous reconnaissions certaines avancées positives dans cette offre, plusieurs questions critiques demeurent sans réponse,” a déclaré Jan Simpson, présidente nationale du STTP. “Nos membres fournissent des services essentiels aux Canadiens dans toutes les conditions météorologiques et méritent une rémunération équitable qui reflète leur dévouement.”
Le syndicat est particulièrement préoccupé par les changements proposés au régime de retraite pour les nouveaux employés, qui passerait d’un régime à prestations déterminées à un modèle à cotisations déterminées – un changement auquel les plus grands syndicats du secteur public canadien se sont constamment opposés ces dernières années.
Les analystes financiers qui suivent les négociations soulignent les défis fondamentaux auxquels sont confrontés les services postaux dans le monde entier. “Postes Canada est prise dans la même spirale descendante qui affecte les services postaux mondialement,” explique Dr. Margaret Wu, professeure d’économie à l’Université de Toronto. “Les volumes de courrier traditionnel continuent de diminuer d’environ 5 % par an, tandis que la livraison de colis – bien qu’en croissance – fait face à une concurrence intense des services de messagerie privés.”
Les états financiers de la société révèlent une trajectoire inquiétante. Malgré la gestion d’un nombre record de colis pendant la pandémie, Postes Canada a eu du mal à maintenir sa rentabilité alors que les volumes de courrier d’affaires ont chuté et que les coûts opérationnels ont augmenté. Les coûts de main-d’œuvre représentent actuellement environ 67 % des dépenses totales de la société.
Le gouvernement fédéral, qui supervise Postes Canada en tant que société d’État, est resté remarquablement silencieux pendant les négociations. Cependant, des sources au sein du ministère des Services publics et de l’Approvisionnement suggèrent qu’il existe une préoccupation croissante concernant le potentiel d’interruptions de service à l’approche de la période des fêtes, lorsque les volumes de colis augmentent généralement de 30 à 40 %.
Si un accord ne peut être conclu, les Canadiens pourraient faire face à d’importantes perturbations du courrier d’ici la mi-novembre. L’impact s’étendrait au-delà des retards de colis pour les fêtes, affectant les avis de services gouvernementaux, les chèques de pension et de prestations, et les petites entreprises qui comptent sur des options d’expédition abordables pour rester compétitives.
“Toute interruption de travail toucherait de façon disproportionnée les communautés rurales où les alternatives à Postes Canada sont soit limitées, soit significativement plus coûteuses,” note Michelle Landry, défenseure des affaires rurales. “Nous parlons de communautés où le bureau de poste local reste un centre communautaire vital.”
Les deux parties ont convenu de poursuivre les négociations durant le week-end sous la supervision d’un médiateur nommé par le fédéral. La convention collective actuelle a expiré le 30 septembre, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les négociateurs pour parvenir à un compromis.
Alors que le service postal canadien se trouve à ce carrefour critique, la question demeure : Postes Canada peut-elle faire évoluer son modèle d’affaires centenaire pour répondre aux exigences modernes tout en maintenant le service universel et les normes d’emploi équitables auxquelles les Canadiens se sont habitués?