Dans une accélération spectaculaire qui a surpris même les économistes chevronnés, l’économie canadienne a progressé à un taux annualisé robuste de 2,2 % au premier trimestre 2024, a rapporté Statistique Canada mardi. Cette poussée inattendue d’activité a été largement alimentée par des entreprises qui se sont empressées d’importer des marchandises avant que des augmentations potentielles de tarifs puissent entrer en vigueur.
Cette hausse du PIB a considérablement dépassé les prévisions plus prudentes de la Banque du Canada qui tablait sur une croissance de 1,5 %, ce qui pourrait compliquer la décision imminente de la banque centrale sur les taux d’intérêt. Derrière ces chiffres se cache une histoire révélatrice d’anxiété économique et d’adaptation stratégique.
“Ce que nous observons est un comportement économique classique en période d’incertitude commerciale,” explique Avery Chen, économiste en chef chez RBC Marchés des Capitaux. “Les entreprises anticipent leurs achats et ajustent leurs chaînes d’approvisionnement en prévision de coûts plus élevés—créant essentiellement un boom à court terme qui pourrait ne pas être durable.”
Une analyse plus approfondie des données révèle que les entreprises ont augmenté leurs importations de 8,2 % en rythme annualisé. Cette hausse des importations reflète les préoccupations généralisées concernant l’intensification des tensions commerciales avec des partenaires clés, particulièrement les États-Unis, où la rhétorique protectionniste s’est intensifiée ces derniers mois.
Le secteur manufacturier a fait preuve d’une résilience particulière, en expansion de 3,1 %, les entreprises accélérant la production pour satisfaire les commandes avant d’éventuelles perturbations commerciales. Pendant ce temps, les dépenses des ménages ont connu une croissance plus modeste de 1,3 %, suggérant que la confiance des consommateurs reste quelque peu fragile malgré la vigueur économique globale.
La Banque du Canada fait maintenant face à un délicat exercice d’équilibre avant son annonce sur les taux d’intérêt du 5 juin. Bien qu’une croissance plus forte que prévu pourrait typiquement plaider contre des réductions immédiates des taux, les décideurs doivent considérer si cette accélération représente un élan économique durable ou simplement une activité temporaire anticipée en raison des préoccupations tarifaires.
“Cela place la BdC dans une position difficile,” affirme Francine Dubois, économiste principale à la Banque TD. “Ils doivent regarder au-delà du chiffre global pour déterminer si cette croissance est durable ou si nous créons les conditions d’un ralentissement plus prononcé plus tard cette année.”
Particulièrement révélatrice était la forte expansion de 1,4 % d’un mois sur l’autre en mars—une nette accélération par rapport à la croissance de 0,2 % en février. Cette poussée en fin de trimestre suggère que les entreprises sont devenues de plus en plus préoccupées par les changements tarifaires imminents au fur et à mesure que le trimestre avançait.
Alors que le Canada navigue dans ces courants économiques contradictoires dans les mois à venir, la question clé demeure: cette croissance motivée par les tarifs a-t-elle simplement emprunté à l’activité économique future, ou a-t-elle déclenché une expansion plus durable? La réponse déterminera si les chiffres impressionnants d’aujourd’hui représentent une force économique ou simplement le calme avant une tempête potentielle.