La Banque du Canada se trouve à un carrefour qui pourrait façonner la trajectoire économique du Canada pour les années à venir. Avec une inflation qui reste obstinément au-dessus de la cible et des coûts de logement qui continuent de grever les budgets des ménages, le gouverneur Tiff Macklem fait face à ce que les analystes appellent “la décision la plus importante de son mandat” lors de la prochaine réunion du 5 juin.
“Les enjeux ne pourraient être plus élevés,” explique l’économiste Patricia Silverstein de BMO Marchés des capitaux. “Réduire trop tôt, et l’inflation pourrait se rallumer. Attendre trop longtemps, et la croissance économique pourrait s’arrêter complètement. La Banque navigue entre Charybde et Scylla.”
Les données présentent un tableau mitigé qui a divisé même les observateurs chevronnés du marché. L’inflation d’avril s’est établie à 2,7 %, marquant le troisième mois consécutif au-dessus de la cible de 2 % de la Banque. Pendant ce temps, la croissance du PIB a ralenti à un taux annualisé anémique de 0,8 % au premier trimestre, suggérant que l’économie ressent le poids du taux directeur actuel de 5 %.
L’abordabilité du logement—un sujet politiquement sensible et un point de pression économique—continue de se détériorer malgré l’environnement de taux d’intérêt élevés. Les loyers moyens dans les grands centres urbains ont augmenté de 8,6 % d’une année sur l’autre, tandis que les paiements hypothécaires ont augmenté de près de 22 % pour les nouveaux acheteurs par rapport aux niveaux de 2022.
La décision de la banque centrale aura des répercussions dans tous les secteurs de l’économie canadienne. Les promoteurs immobiliers ont déjà réduit leurs projets, avec des mises en chantier en baisse de 17 % par rapport à l’année dernière. Le secteur manufacturier a perdu 32 000 emplois depuis septembre, tandis que les ventes au détail se sont contractées pendant trois mois consécutifs.
“La crédibilité de la Banque est en jeu,” note l’ancien sous-gouverneur Paul Jenkins. “S’ils réduisent les taux et que l’inflation monte en flèche, les Canadiens remettront en question leur engagement envers la stabilité des prix. S’ils maintiennent les taux et que l’économie faiblit davantage, ils seront accusés de causer une douleur inutile.”
Des facteurs mondiaux compliquent davantage la décision. La Réserve fédérale a signalé qu’elle pourrait maintenir des taux plus élevés plus longtemps, créant une pression potentielle sur le dollar canadien si la Banque du Canada agit en premier. Les prix du pétrole se sont modérés récemment, apportant un certain soulagement, mais les tensions géopolitiques continuent de menacer les chaînes d’approvisionnement et les prix des matières premières.
Les marchés financiers prévoient environ 65 % de chances d’une baisse des taux en juin, les négociants pariant de plus en plus sur au moins trois réductions d’un quart de point d’ici la fin de l’année. Mais les économistes du monde des affaires préviennent que la Banque pourrait préférer attendre jusqu’en juillet, lorsqu’elle disposera de plus de données sur l’inflation et de projections économiques mises à jour.
Pour les Canadiens ordinaires, l’impact de la décision sera ressenti immédiatement sur les taux hypothécaires variables, les marges de crédit et les prêts à la consommation. Une famille avec un prêt hypothécaire à taux variable de 500 000 $ économiserait environ 140 $ par mois avec une réduction d’un quart de point—un soulagement bienvenu pour les budgets serrés, mais guère révolutionnaire compte tenu des augmentations cumulatives des taux depuis 2022.
À l’approche de la décision de juin, la pression monte sur Macklem et ses collègues pour naviguer dans un passage de plus en plus étroit. La voie qu’ils choisiront influencera tout, de l’abordabilité du logement à la création d’emplois, donnant le ton à la reprise économique post-pandémique du Canada.
La question demeure : la Banque du Canada privilégiera-t-elle la lutte contre la dernière guerre contre l’inflation, ou pivotera-t-elle pour répondre aux préoccupations croissantes concernant la stagnation économique ? La réponse arrive le 5 juin, et des millions de Canadiens suivront de près.