Dans un virage stratégique qui témoigne d’un solide soutien à la fabrication nationale, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a annoncé aujourd’hui que l’acier et l’aluminium canadiens seront privilégiés dans les prochaines initiatives de politique de défense et d’infrastructure. Cette décision déterminante intervient alors qu’Ottawa cherche à renforcer les industries nationales face à une concurrence économique mondiale de plus en plus intense et aux vulnérabilités des chaînes d’approvisionnement.
“Nous devons nous assurer que l’argent des contribuables canadiens soutient les travailleurs et les entreprises du Canada”, a souligné Mme Joly lors de son allocution à la conférence de l’Association canadienne des producteurs d’acier à Ottawa. L’annonce de la ministre représente une réponse calculée à des mesures protectionnistes similaires mises en œuvre par les États-Unis, notamment dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation de l’administration Biden.
La nouvelle directive donnera la priorité aux matériaux fabriqués au Canada pour les acquisitions de défense critiques, y compris les navires, les aéronefs militaires et les projets d’infrastructure jugés essentiels à la sécurité nationale. Les analystes de l’industrie chez CO24 Business estiment que cela pourrait injecter des milliards dans les secteurs manufacturiers nationaux qui se remettent encore des perturbations liées à la pandémie.
Ce changement de politique survient dans un contexte de tensions commerciales croissantes entre le Canada et la Chine, la production d’acier fortement subventionnée de Pékin créant ce que de nombreux producteurs canadiens décrivent comme des conditions de concurrence inégales. Les représentants de l’industrie sidérurgique préconisent depuis longtemps une intervention gouvernementale plus forte pour contrer ce qu’ils qualifient de pratiques perturbant le marché de la part des concurrents étrangers.
Catherine Cobden, présidente de l’Association canadienne des producteurs d’acier, a salué cette annonce, la qualifiant de “reconnaissance cruciale de l’importance stratégique du maintien des capacités de production nationales”. Elle a souligné que l’industrie sidérurgique canadienne emploie plus de 23 000 travailleurs et contribue à hauteur d’environ 15 milliards de dollars par an à l’économie nationale.
Les analystes économiques prévoient que cette politique pourrait avoir des effets en cascade tout au long des chaînes d’approvisionnement manufacturières. “Lorsque vous privilégiez l’acier et l’aluminium canadiens, vous soutenez non seulement ces industries mais aussi des milliers d’emplois en aval dans la fabrication, la construction et le transport”, a expliqué Dr Marcus Renton, économiste à l’École de gestion Rotman de l’Université de Toronto.
Cette annonce fait suite à la stratégie indo-pacifique du Canada de 2023 et s’aligne sur des initiatives politiques plus larges visant à réduire la dépendance envers des partenaires commerciaux potentiellement peu fiables. Les spécialistes des approvisionnements de défense notent que, bien que cette politique renforce l’industrie nationale, elle pourrait initialement augmenter les coûts de certains projets en raison des différences de prix entre les matériaux canadiens et étrangers.
Des critiques de l’opposition ont remis en question le moment choisi pour cette annonce, suggérant qu’elle pourrait être motivée politiquement en vue d’un positionnement électoral potentiel. Toutefois, les parties prenantes de l’industrie, toutes tendances politiques confondues, ont généralement exprimé leur soutien aux mesures qui renforcent les capacités de fabrication nationales.
Alors que les chaînes d’approvisionnement mondiales continuent d’évoluer en réponse aux tensions géopolitiques, aux préoccupations climatiques et aux bouleversements technologiques, l’initiative du Canada s’inscrit dans une tendance mondiale vers une politique industrielle stratégique. La question qui se pose désormais aux décideurs politiques et aux leaders de l’industrie est la suivante : le Canada peut-il équilibrer le nationalisme économique avec les réalités concurrentielles des marchés mondiaux tout en garantissant aux contribuables un bon retour sur leur investissement dans les capacités nationales?