Les flammes ardentes qui ravagent les forêts du nord de l’Alberta ont forcé les grandes compagnies énergétiques à évacuer des centaines de travailleurs des installations pétrolières et gazières critiques, créant des répercussions dans tout le secteur énergétique canadien durant une saison des feux de forêt déjà difficile.
Depuis mercredi matin, au moins trois grands producteurs d’énergie — Canadian Natural Resources Limited, Cenovus Energy et Pipestone Energy — ont évacué leur personnel et ont soit réduit, soit complètement arrêté leurs opérations dans les installations menacées par les feux de forêt qui se propagent rapidement dans le nord de l’Alberta.
“La sécurité de nos employés et de nos sous-traitants demeure notre priorité absolue,” a déclaré un porte-parole de Cenovus dans un communiqué obtenu par CO24. L’entreprise a évacué environ 300 travailleurs de ses opérations à Marten Hills alors que les feux s’approchaient de leurs installations, suspendant temporairement la production sur ce site qui produit habituellement environ 6 000 barils de pétrole par jour.
L’Alberta Energy Regulator a confirmé qu’il surveille étroitement la situation alors que plusieurs feux de forêt hors de contrôle ont provoqué des évacuations dans plusieurs régions productrices d’énergie. L’Alberta fait actuellement face à plus de 75 feux de forêt actifs, dont 29 sont classés comme hors de contrôle selon les responsables provinciaux.
Canadian Natural Resources Limited (CNRL), l’un des plus grands producteurs de pétrole du Canada, a évacué son personnel de son exploitation de pétrole lourd de Pelican Lake et a mis en œuvre des réductions de production. Les analystes de l’industrie de RBC Capital Markets estiment que l’entreprise a réduit sa production d’environ 40 000 à 45 000 barils par jour — une portion significative de la production quotidienne normale de 60 000 barils de l’installation.
“Ces feux de forêt représentent un défi supplémentaire pour l’industrie énergétique de l’Alberta après des années de perturbations dues à la pandémie et à la volatilité des marchés pétroliers mondiaux,” a déclaré l’économiste de l’énergie Patricia Mohr dans une entrevue avec CO24. “La préoccupation immédiate est la sécurité des travailleurs, mais des arrêts prolongés pourraient affecter les redevances provinciales et la production énergétique globale du Canada si la situation s’aggrave.”
Les évacuations s’étendent au-delà des plus grands acteurs. Des producteurs plus petits comme Pipestone Energy ont également retiré tout leur personnel de leurs installations près de Valleyview, en Alberta, à titre de mesure préventive. L’entreprise a indiqué avoir activé des protocoles d’intervention d’urgence en coordination avec les autorités locales.
Ces perturbations surviennent à un moment où les provinces de l’Ouest canadien connaissent des conditions inhabituellement sèches après un hiver avec des chutes de neige inférieures à la moyenne. Les scientifiques du climat ont noté que le changement climatique prolonge les saisons des feux de forêt et augmente leur intensité dans les régions de forêt boréale où se trouvent de nombreuses exploitations énergétiques.
Le ministre de l’Énergie de l’Alberta a confirmé que les équipes provinciales de gestion des urgences coordonnent leurs efforts avec les partenaires de l’industrie pour surveiller les menaces pesant sur les infrastructures critiques. “Nous avons des plans d’urgence en place pour ces situations, mais l’ampleur de ces incendies exerce une pression considérable sur les ressources,” a déclaré le ministre lors d’un briefing d’urgence.
Pour les communautés proches de ces installations énergétiques, les évacuations représentent plus que de simples pertes de production. À Fort McMurray, où les résidents gardent encore des souvenirs vivaces des dévastateurs feux de forêt de 2016 qui ont forcé l’évacuation de plus de 80 000 personnes, les menaces d’incendie actuelles ont ravivé les angoisses liées à la vie dans des régions sujettes aux feux de forêt.
Bien qu’il soit trop tôt pour calculer l’impact économique complet de ces perturbations sur le secteur énergétique du Canada, les analystes suggèrent que si les feux de forêt continuent de menacer les principales zones de production, nous pourrions observer des effets sur les budgets provinciaux et potentiellement même sur les prix du carburant dans certaines régions.
Alors que les scientifiques du climat prévoient des saisons d’incendies de plus en plus graves dans les années à venir, une question cruciale se pose tant pour l’industrie que pour le gouvernement : comment l’infrastructure énergétique du Canada s’adaptera-t-elle à la menace croissante des feux de forêt dans un monde qui se réchauffe, et quels investissements en matière de résilience seront nécessaires pour protéger à la fois les travailleurs et la capacité de production?