Alors que l’Assemblée nationale du Québec ajournait vendredi pour les vacances d’été, le premier ministre François Legault a clairement établi les priorités de son gouvernement pour le reste de 2024 : la relance économique doit primer sur toutes les autres initiatives, y compris ses négociations constitutionnelles tant promises avec Ottawa.
« L’économie sera notre priorité absolue cet automne », a déclaré Legault lors de sa conférence de presse de fin de session au parlement, reconnaissant que la province fait face à d’importants vents contraires économiques. Les statistiques récentes dressent un portrait préoccupant – le PIB du Québec s’est contracté de 0,4 % au quatrième trimestre de 2023, tandis que le taux de chômage a grimpé à 5,8 %, dépassant la moyenne nationale.
L’accent mis sur l’économie par le premier ministre représente un virage notable par rapport à son insistance précédente sur l’obtention de pouvoirs supplémentaires du gouvernement fédéral. Questionné sur l’état de ses demandes constitutionnelles, Legault a admis que l’initiative a été mise en veilleuse. « Je n’abandonne rien », a-t-il insisté, « mais les défis économiques sont plus pressants en ce moment ».
Ce repositionnement stratégique survient après ce que plusieurs analystes politiques décrivent comme une session législative difficile pour le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ). Les partis d’opposition ont été implacables dans leurs critiques de la gestion économique de Legault, le porte-parole libéral en matière de finances Carlos Leitão qualifiant l’approche du gouvernement de « réactive plutôt que proactive ».
Le regain d’intérêt économique du premier ministre n’est pas sans dimensions politiques. Les données récentes de sondages Léger montrent que la popularité de la CAQ a chuté à 30 %, une baisse significative par rapport aux 41 % de soutien qui leur avait assuré une confortable majorité en 2022. La gestion économique, traditionnellement l’une des forces perçues de Legault, est devenue une vulnérabilité alors que les Québécois expriment de plus en plus d’inquiétudes concernant l’abordabilité et la sécurité d’emploi.
Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a présenté plusieurs initiatives économiques prévues pour la session d’automne, notamment des allégements fiscaux ciblés pour les entreprises manufacturières, l’expansion des programmes de formation de la main-d’œuvre et des investissements en infrastructure concentrés dans les régions connaissant un chômage plus élevé. « Nous devons faire des investissements stratégiques qui apporteront à la fois une stimulation immédiate et des gains de productivité à long terme », a expliqué Girard lors d’une apparition conjointe avec le premier ministre.
Cependant, les experts économiques demeurent sceptiques quant à la capacité du gouvernement à inverser significativement la trajectoire économique du Québec à court terme. Pierre Fortin, économiste à l’Université du Québec à Montréal, a noté que « le Québec fait face à des défis structurels, notamment des pénuries de main-d’œuvre, des écarts de productivité et des problèmes d’intégration des nouveaux immigrants qui ne peuvent être résolus par des solutions rapides ».
Les partis d’opposition se sont empressés de qualifier le virage économique de Legault comme étant motivé politiquement. Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec Solidaire, a rejeté les annonces du premier ministre comme étant « trop peu, trop tard », soutenant que « les Québécois ressentent déjà les effets de la mauvaise gestion économique de ce gouvernement ».
Le chef du Parti Québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a adopté un ton plus conciliant, offrant un soutien conditionnel aux initiatives économiques tout en avertissant que « tout plan économique qui ne s’attaque pas au sous-financement chronique du Québec par rapport aux autres provinces est ultimement voué à l’échec ».
Alors que le Québec entre dans les mois d’été, la température politique reste élevée malgré la pause législative. Le gouvernement de Legault fait face à une pression croissante pour livrer des améliorations économiques tangibles avant le retour des législateurs en septembre. La capacité du premier ministre à naviguer ces défis économiques pourrait bien déterminer si son gouvernement caquiste peut retrouver son aplomb politique ou continue de glisser dans l’opinion publique.
La question qui se pose maintenant aux Québécois : le gouvernement de Legault peut-il réussir à pivoter des ambitions constitutionnelles vers la gestion économique, ou ce changement sera-t-il perçu comme l’abandon de la vision nationaliste qui a contribué à porter la CAQ au pouvoir?