Dans un paysage politique de plus en plus marqué par les débats sur la rigueur budgétaire, le gouvernement néo-démocrate du Canada a vigoureusement défendu l’expansion de la fonction publique fédérale, alors que les partis d’opposition intensifient leurs critiques contre ce qu’ils appellent une « bureaucratie hypertrophiée ».
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a présenté hier des données indiquant que l’augmentation de 23 % des postes du secteur public depuis 2015 correspond directement à une amélioration de la prestation de services dans les fonctions gouvernementales essentielles. « Ce ne sont pas simplement des chiffres sur une feuille de calcul », a déclaré Freeland aux journalistes lors d’une conférence de presse à Ottawa. « Chaque ajout représente une capacité accrue pour servir les Canadiens – du traitement plus efficace des demandes d’immigration à l’amélioration des services aux anciens combattants. »
L’expansion a ajouté environ 73 000 postes à l’effectif fédéral, portant le total à un peu plus de 319 000 employés. Les responsables gouvernementaux soulignent que les demandes de services liées à la pandémie et la mise en œuvre de nouveaux programmes sociaux sont les principaux moteurs de cette croissance.
Le critique en matière de finances du Parti conservateur, Pierre Poilievre, s’est imposé comme l’opposant le plus vocal à cette expansion. « Alors que les petites entreprises luttaient pendant les confinements et l’inflation, ce gouvernement ajoutait des bureaucrates à un rythme sans précédent », a déclaré Poilievre lors d’un échange houleux pendant la période des questions. « Les Canadiens paient plus cher et attendent plus longtemps pour des services de base malgré cette croissance massive. »
L’analyse indépendante du Bureau du directeur parlementaire du budget présente une image plus nuancée. Leur rapport de mars 2023 note que, bien que le nombre total ait augmenté considérablement, les indicateurs d’efficacité ministérielle se sont améliorés dans plusieurs domaines clés, notamment les délais de traitement des passeports et le traitement des déclarations fiscales.
Les économistes du travail soulignent que le débat nécessite une mise en contexte. « La croissance du secteur public doit être évaluée en fonction de l’augmentation de la population et de l’élargissement des mandats de service », a expliqué Dre Heather McKenzie de l’École de politique publique de l’Université de Toronto. « La population du Canada a augmenté de près de 10 % au cours de cette période, créant une demande légitime de capacité supplémentaire. »
La controverse émerge au milieu d’inquiétudes plus larges concernant les dépenses gouvernementales. Alors que l’inflation ne s’est modérée que récemment et que les taux d’intérêt restent élevés, les partisans de l’orthodoxie budgétaire soutiennent que les masses salariales du secteur public représentent un fardeau insoutenable pour les contribuables. Le gouvernement rétorque que les investissements dans le capital humain ont renforcé la résilience institutionnelle du Canada.
La réaction régionale à l’expansion est peut-être la plus révélatrice. Les données de sondage d’Abacus Research suggèrent que les électeurs des centres urbains sont plus favorables à la croissance de la fonction publique, tandis que les Canadiens ruraux expriment un plus grand scepticisme quant à sa valeur par rapport à son coût.
« Nous ne nous excuserons pas de renforcer la capacité à fournir les services dont dépendent les Canadiens », a déclaré le premier ministre Jagmeet Singh lors d’une visite dans un centre de Service Canada à Winnipeg. « L’alternative – des agences en sous-effectif incapables de répondre aux besoins du public – est une approche que les gouvernements précédents ont essayée, et les Canadiens l’ont rejetée. »
À l’approche des délibérations budgétaires ce printemps, la question fondamentale reste non résolue : à quel moment l’expansion administrative passe-t-elle d’un renforcement nécessaire des capacités à une croissance bureaucratique inefficace ? La réponse pourrait finalement dépendre moins des chiffres bruts que de la perception des Canadiens quant aux améliorations tangibles dans leurs interactions avec les services gouvernementaux.