Le différend persistant entre Postes Canada et son plus grand syndicat a atteint une impasse critique cette semaine, alors que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) affirme que la société d’État refuse de s’engager dans un arbitrage exécutoire malgré la pression croissante des entreprises et des consommateurs à travers le pays.
“Nous sommes prêts à faire des compromis sur des questions cruciales en milieu de travail depuis avril, mais la direction continue de bloquer toute négociation significative,” a déclaré Julianne Richards, présidente nationale du STTP, lors d’une conférence de presse hier à Ottawa. “Leur refus de recourir à l’arbitrage exécutoire démontre un manque préoccupant d’engagement à résoudre ce conflit.”
L’impasse, qui entre maintenant dans sa troisième semaine, a considérablement perturbé le service postal à travers le Canada, avec des arriérés de traitement croissants dans les principaux centres de distribution à Toronto, Montréal et Vancouver. Les petites entreprises dépendantes des livraisons par correspondance rapportent des pertes moyennes de revenus de 27%, selon un sondage publié par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.
Martin Chen, porte-parole de Postes Canada, a défendu la position de la société, déclarant à CO24 News que “l’arbitrage à ce stade compromettrait le processus de négociation collective. Nous restons déterminés à parvenir à un règlement négocié qui équilibre les intérêts des travailleurs avec la responsabilité fiscale et les réalités évolutives des services postaux à l’ère numérique.”
Au cœur du différend se trouvent des désaccords fondamentaux sur les réformes des pensions, les augmentations de salaire tenant compte de l’inflation et les mesures de sécurité au travail. Le syndicat demande une augmentation salariale annuelle de 3,8% sur trois ans, tandis que Postes Canada a proposé 2,2%, citant des contraintes financières et la diminution du volume de courrier traditionnel.
La ministre du Travail, Carolyn Desjardin, a exhorté les deux parties à intensifier les négociations, bien qu’elle se soit gardée d’introduire une loi de retour au travail qui mettrait fin au conflit. “Le gouvernement fédéral croit fermement au processus de négociation collective,” a déclaré Desjardin dans un communiqué publié par son bureau. “Nous attendons des deux parties qu’elles négocient de bonne foi en vue d’une résolution.”
Les analystes économiques estiment que le conflit coûte à l’économie canadienne environ 25 millions de dollars par jour, avec des impacts particulièrement graves sur les communautés rurales où les alternatives numériques aux services postaux restent limitées. La perturbation survient à un moment particulièrement difficile alors que les entreprises continuent de se remettre des difficultés économiques qui ont marqué le début des années 2020.
La réforme des pensions reste peut-être la question la plus litigieuse. Le STTP se bat pour maintenir le régime de retraite à prestations déterminées pour tous les employés, tandis que Postes Canada a proposé de transférer les nouveaux employés vers un modèle à cotisations déterminées, citant des préoccupations de viabilité à long terme et un déficit de solvabilité des pensions de 8,7 milliards de dollars.
“Il ne s’agit pas seulement des travailleurs actuels,” a expliqué Dre Eliza Montgomery, professeure d’économie du travail à l’Université Ryerson. “Il s’agit de la viabilité future des services postaux publics et du type de sécurité de retraite que nous croyons que les travailleurs des services essentiels méritent dans notre société.”
Alors que le conflit s’éternise, les Canadiens se demandent : à l’ère de la communication numérique et des services de messagerie privés, ce conflit de travail prolongé va-t-il accélérer le déclin des services postaux traditionnels, ou pourrait-il plutôt catalyser une modernisation attendue depuis longtemps de l’une des plus anciennes institutions publiques du pays?