La pandémie silencieuse de maltraitance des aînés continue de s’intensifier dans toute la Colombie-Britannique, les données récentes révélant une augmentation inquiétante de 27 % des cas signalés depuis 2022. Cette tendance troublante émerge alors que la province s’apprête à marquer la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées le 15 juin, mettant en lumière une crise qui reste souvent cachée derrière des portes closes.
“Nous constatons des chiffres sans précédent,” explique Sherry Baker, directrice générale de l’Association des réseaux communautaires d’intervention de la C.-B. “Nos aînés subissent de l’exploitation financière, de la manipulation psychologique et même des préjudices physiques à des taux jamais vus auparavant.”
Les statistiques dressent un tableau sombre de la vulnérabilité. Selon le Centre de défense et de soutien des aînés de la C.-B., environ une personne âgée sur six subit une forme de maltraitance, l’exploitation financière étant la plus répandue. Ce qui est particulièrement alarmant, c’est que dans plus de 90 % des cas, les auteurs sont des membres de la famille ou des soignants de confiance – les personnes mêmes censées assurer protection et soutien.
Les autorités provinciales attribuent cette augmentation à plusieurs facteurs convergents. Les pressions économiques suite à la pandémie ont créé des tensions financières au sein des familles, conduisant parfois à l’exploitation des biens des aînés. De plus, l’isolement social croissant vécu par de nombreuses personnes âgées a créé des conditions idéales pour que la maltraitance se produise sans être détectée ni signalée.
“Ce qui rend la maltraitance des aînés particulièrement insidieuse est la réticence des victimes à se manifester,” note la détective Sarah Greenfield de l’Unité des personnes vulnérables du Service de police de Vancouver. “De nombreux aînés craignent les représailles, la perte de leur indépendance ou de provoquer des discordes familiales. D’autres ne reconnaissent même pas qu’il s’agit de maltraitance, particulièrement lorsqu’il s’agit de manipulation financière complexe.”
La province a réagi en élargissant sa Ligne d’information et de soutien contre la maltraitance des aînés (SAIL), qui fonctionne désormais avec des heures prolongées et des capacités linguistiques supplémentaires. Cette ligne d’aide sert de bouée de sauvetage, offrant un soutien confidentiel, des conseils et des ressources aux aînés victimes de maltraitance ou à ceux préoccupés par des situations potentielles de maltraitance.
Les initiatives communautaires gagnent également du terrain dans toute la Colombie-Britannique. À Victoria, la Coalition pour la justice des aînés a établi des programmes de surveillance de quartier spécifiquement conçus pour identifier les signes avant-coureurs de maltraitance. Pendant ce temps, à Kelowna, les institutions financières ont mis en place une formation spécialisée pour le personnel afin de détecter les transactions suspectes qui pourraient indiquer une exploitation financière.
“L’éducation reste notre arme la plus puissante,” souligne Dre Gloria Gutman, professeure émérite au Centre de recherche en gérontologie de l’Université Simon Fraser. “Lorsque les membres de la communauté comprennent les signes avant-coureurs – blessures inexpliquées, changements soudains dans les situations financières, retrait des activités sociales – ils deviennent notre première ligne de défense.”
À l’approche de la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées, les défenseurs réclament des réformes politiques complètes, notamment des sanctions renforcées pour les auteurs, des protocoles de signalement obligatoires pour les professionnels de la santé et un financement accru pour les services de soutien. Ils soulignent que la maltraitance des aînés représente non seulement une tragédie personnelle, mais une violation fondamentale des droits humains qui exige une action collective.
Le gouvernement provincial a promis 3,2 millions de dollars supplémentaires pour les programmes de prévention de la maltraitance des aînés, bien que les critiques soutiennent que cela est insuffisant pour faire face à l’ampleur de la crise. Les discussions se poursuivent concernant l’établissement de tribunaux spécialisés dans la maltraitance des aînés, similaires aux modèles qui ont fait leurs preuves en Ontario et en Alberta.
Pour l’instant, les experts soulignent que la vigilance communautaire reste cruciale. “Nous avons tous la responsabilité de protéger nos citoyens les plus vulnérables,” insiste Baker. “Derrière chaque statistique se trouve une personne âgée qui a contribué à notre société et mérite de vivre ses dernières années dans la dignité et la sécurité.”
Alors que la Colombie-Britannique fait face à cette crise croissante, la question demeure : la sensibilisation accrue se traduira-t-elle enfin par les changements systémiques nécessaires pour inverser cette tendance inquiétante, ou nos aînés continueront-ils à souffrir en silence pendant que la société détourne le regard?
Pour plus d’informations sur la prévention de la maltraitance des aînés ou pour signaler des cas suspects, contactez la ligne d’aide SAIL au 1-866-437-1940.