Impact du Mouvement Me Too sur le Milieu de Travail au Canada

Daniel Moreau
9 Min Read
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Cinq ans après que le mouvement #MoiAussi a déferlé sur l’Amérique du Nord, son impact sur les milieux de travail canadiens demeure complexe et inégal. Ce qui a commencé comme un mot-clic s’est transformé en une prise de conscience culturelle qui a forcé les organisations à confronter des vérités inconfortables sur les dynamiques de pouvoir, le harcèlement et la responsabilisation. Pourtant, malgré des progrès significatifs, la révolution reste inachevée dans de nombreux milieux de travail canadiens.

Lorsque l’actrice Alyssa Milano a tweeté “Me Too” en octobre 2017, encourageant les survivantes à partager leurs expériences de harcèlement et d’agression sexuels, peu auraient pu prédire comment le mouvement transformerait les environnements professionnels à travers le Canada. La cascade de révélations qui a suivi a exposé non seulement des fautes individuelles, mais aussi des défaillances systémiques dans tous les secteurs – du divertissement et des médias à la finance et la fabrication.

Pour de nombreuses organisations canadiennes, le mouvement #MoiAussi a créé un impératif urgent d’examiner leurs cultures. “Nous avons constaté une augmentation spectaculaire des entreprises demandant des évaluations de milieu de travail et des formations sur le harcèlement,” explique Dre Samantha Tran, psychologue du travail à l’Université de Toronto. “Il y avait une peur réelle d’être la prochaine organisation exposée pour comportement toxique.” Cette réaction motivée par la crainte, bien que peut-être pas idéalement motivée, a néanmoins poussé de nombreuses entreprises à mettre en œuvre des changements significatifs.

L’impact législatif a été substantiel. Plusieurs provinces ont renforcé leurs lois sur le harcèlement au travail, le projet de loi 132 de l’Ontario élargissant les définitions du harcèlement et imposant des exigences de signalement plus strictes. La Colombie-Britannique et le Québec ont suivi avec leurs propres protections renforcées. Ces cadres juridiques ont fourni aux employés des voies plus claires pour signaler les inconduites et chercher des solutions.

Mais les lois seules ne peuvent pas transformer la culture. Les changements les plus significatifs se sont produits dans les milieux de travail où la direction a adopté la transparence et la responsabilité comme valeurs plutôt que comme cases à cocher pour la conformité. Des entreprises comme la firme technologique montréalaise Lightspeed ont été saluées pour avoir créé des systèmes de signalement complets qui privilégient le bien-être des survivantes tout en assurant un processus équitable. “La différence clé est d’aborder ces problèmes comme des priorités culturelles plutôt que des responsabilités juridiques,” note l’avocate en droit du travail Priya Sharma.

Le changement le plus visible a peut-être été la normalisation de conversations auparavant considérées comme taboues. “Avant #MoiAussi, les discussions sur les dynamiques de pouvoir ou les comportements inappropriés étaient souvent rejetées comme trop sensibles,” réfléchit Jason Rodriguez, directeur des ressources humaines chez un grand détaillant canadien. “Maintenant, ces conversations se déroulent ouvertement dans les réunions, les sessions de formation et même les interactions informelles en milieu de travail.”

Les données racontent une histoire complexe de progrès. Un sondage de 2023 du Congrès du travail du Canada a révélé que 68% des travailleurs croyaient que leurs employeurs prenaient le harcèlement plus au sérieux après #MoiAussi, mais seulement 42% se sentaient confiants que le signalement mènerait à des conséquences significatives. Cet écart représente le travail inachevé du mouvement – créer des mécanismes de signalement véritablement sécuritaires, libres de représailles.

Pour les travailleurs marginalisés, la promesse de #MoiAussi reste particulièrement non réalisée. Les femmes autochtones, les personnes handicapées et les travailleurs étrangers temporaires continuent de faire face à des taux plus élevés de harcèlement en milieu de travail avec moins de protections. “Le mouvement a créé une visibilité importante, mais n’a pas adéquatement abordé l’intersectionnalité,” soutient Daria Williams de la Fondation canadienne des femmes. “Les travailleurs les plus vulnérables restent souvent les moins protégés.”

Les petites et moyennes entreprises présentent un autre défi. Alors que les grandes sociétés disposent de ressources pour mettre en œuvre des politiques et des formations complètes, les organisations plus petites ont souvent du mal. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante rapporte que de nombreux petits employeurs souhaitent créer des milieux de travail plus sécuritaires mais manquent d’expertise et de ressources pour développer des systèmes appropriés.

Pour l’avenir, la durabilité de l’impact de #MoiAussi dépend du passage d’approches réactives à la construction proactive d’une culture. Les organisations progressistes se concentrent sur l’intervention précoce – abordant les comportements problématiques avant qu’ils n’escaladent et créant des environnements où le respect est la norme attendue plutôt qu’une aspiration.

Cela signifie repenser le développement du leadership, les indicateurs de performance et les valeurs organisationnelles. Des entreprises comme Hootsuite, basée à Vancouver, ont intégré des mesures de respect et d’inclusion dans les évaluations de performance à tous les niveaux, indiquant clairement que l’excellence technique ne peut pas compenser un comportement toxique. De même, le quartier financier de Toronto a vu d’importantes banques mettre en œuvre des formations d’intervention des témoins, permettant aux employés d’interrompre en toute sécurité les interactions problématiques.

La pandémie a introduit des complexités supplémentaires, le travail à distance et hybride créant de nouvelles formes de harcèlement par les canaux numériques tout en réduisant simultanément les opportunités d’inconduite en personne. “Les défis ont évolué, nous obligeant à adapter nos approches,” explique Maya Johnson, consultante en milieu de travail. “Le harcèlement virtuel peut être plus difficile à identifier, mais laisse souvent une trace numérique qui facilite la documentation.”

Ce qui est peut-être le plus encourageant, c’est la façon dont la conversation s’est élargie au-delà du harcèlement pour englober des questions plus vastes sur le pouvoir, l’équité et la voix dans les milieux de travail canadiens. Les organisations reconnaissent de plus en plus que le harcèlement prospère dans des environnements où les déséquilibres de pouvoir ne sont pas contestés et où certaines voix sont systématiquement marginalisées.

En fin de compte, l’héritage de #MoiAussi dans les milieux de travail canadiens ne consiste pas simplement à traiter l’inconduite après qu’elle se produise, mais à réimaginer fondamentalement les environnements professionnels. Les organisations les plus avant-gardistes comprennent que créer des milieux de travail véritablement sécuritaires nécessite d’examiner tout, des pratiques d’embauche aux structures de leadership en passant par les normes de communication.

Le travail continue, nécessairement imparfait et incomplet. Mais pour des millions de travailleurs canadiens qui constatent maintenant que les milieux de travail prennent ces problèmes au sérieux, le changement est à la fois significatif et attendu depuis longtemps. La question est maintenant de savoir si cette dynamique peut être maintenue et élargie pour atteindre tous les travailleurs, indépendamment du secteur, du statut ou de l’identité.

Alors que nous réfléchissons à ce que #MoiAussi a accompli et à ce qui reste à faire, une chose devient claire : le mouvement n’a jamais concerné un moment dans le temps, mais plutôt un changement fondamental dans ce que nous considérons comme acceptable dans nos espaces professionnels partagés. Ce changement, aussi inégalement réparti soit-il, a définitivement modifié le paysage du milieu de travail au Canada.

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