Le paysage des télécommunications dans le Nord canadien fait face à un changement majeur alors que la vente prévue de 685 millions de dollars de Northwestel par BCE Inc. à Unity Connected Solutions, basée au Yukon, a rencontré un obstacle inattendu. Sixty North Communications Inc., un fournisseur de télécommunications autochtone, a soumis une offre concurrente de dernière minute, suspendant temporairement ce qui semblait être une affaire conclue.
Dans les salles de conseil de BCE, les dirigeants doivent maintenant recalibrer leur stratégie de désinvestissement, car l’intervention de Sixty North a déclenché des procédures réglementaires obligeant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) à examiner les deux offres simultanément. L’entreprise autochtone présente son offre comme étant plus alignée avec les engagements du gouvernement fédéral en matière de réconciliation et de connectivité pour les communautés nordiques.
“Ce n’est pas seulement une question d’affaires – c’est une question d’autodétermination et de garantir que les communautés autochtones du Nord aient une participation significative dans l’infrastructure numérique qui façonne leur avenir,” a déclaré Sharon Nitsiza, PDG de Sixty North, lors d’une entrevue exclusive. “Notre proposition offre une véritable alternative qui privilégie la propriété autochtone et le réinvestissement communautaire.”
Cette démarche représente un défi audacieux au statu quo des télécommunications. Northwestel, qui opère comme filiale nordique de BCE depuis 1988, dessert environ 120 000 personnes à travers le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le nord de la Colombie-Britannique – un vaste territoire où les défis de connectivité ont longtemps entravé le développement économique et les services essentiels.
Les analystes des télécommunications notent que la propriété autochtone dans le secteur des télécommunications canadien reste minime malgré la rhétorique gouvernementale sur la réconciliation. Les estimations actuelles montrent que les fournisseurs de télécommunications appartenant à des Autochtones représentent moins de 1 % de la part du marché national, bien que les populations autochtones constituent près de 5 % de la population canadienne.
Unity Connected Solutions, soutenue par l’homme d’affaires yukonnais Kelly Ambrose et des investisseurs du Nord, semblait avoir conclu l’accord jusqu’à l’intervention de Sixty North. La proposition d’Unity comprend des engagements à maintenir les 400 employés de Northwestel et les niveaux de service existants, mais manque de dispositions spécifiques pour la propriété ou la gouvernance autochtone.
Le processus d’examen du CRTC, qui prend généralement de 6 à 8 mois, examinera maintenant les deux propositions selon des critères d’intérêt public, notamment la concurrence, la qualité du service et l’alignement avec les objectifs fédéraux de connectivité. Ce retard a des implications importantes pour BCE, qui avait prévu d’utiliser le produit de la vente pour réduire sa dette de 33 milliards de dollars suite à des licenciements et des réductions de service récents.
Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a souligné l’engagement du gouvernement à étendre la connectivité dans les régions mal desservies tout en faisant progresser la réconciliation. “Toutes les transactions de télécommunications doivent en fin de compte bénéficier aux Canadiens,” a déclaré Champagne lorsqu’on l’a interrogé sur les offres concurrentes. “Nous évaluerons les propositions en fonction de leurs mérites et de leur alignement avec notre stratégie de connectivité.”
Pour les résidents du Nord, le résultat a des implications profondes. Une infrastructure de télécommunications fiable reste essentielle pour tout, des services d’urgence à l’éducation et aux opportunités économiques dans des communautés où le climat rigoureux et l’isolement géographique créent des défis uniques.
La situation soulève des questions plus larges sur la participation économique autochtone dans les secteurs d’infrastructure clés du Canada. Ces dernières années ont vu un élan croissant pour des participations autochtones dans des projets énergétiques, mais les télécommunications restent largement dominées par une poignée d’acteurs majeurs.
Ce défi de Sixty North marquera-t-il un tournant pour la propriété autochtone dans les télécommunications canadiennes, ou les intérêts des entreprises traditionnelles prévaudront-ils? Alors que l’examen réglementaire se déroule, les communautés nordiques observent attentivement, sachant que leur avenir numérique est en jeu.