Le fil fragile de la stabilité au Moyen-Orient s’est davantage effiloché ce week-end alors qu’Israël et l’Iran ont échangé des propos de plus en plus hostiles, poussant le Canada à se joindre aux appels internationaux à la retenue dans ce que les experts décrivent comme le moment le plus précaire de la région depuis octobre.
La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a publié une déclaration dimanche exhortant les deux nations à “reculer du bord du précipice” après que des responsables israéliens ont signalé une potentielle action militaire contre des installations nucléaires iraniennes. Cette intervention diplomatique est survenue après que Téhéran a averti de “conséquences dévastatrices” si Israël procédait aux frappes menacées.
“Le Canada demeure profondément préoccupé par l’escalade des tensions entre Israël et l’Iran,” a déclaré Joly. “Nous appelons toutes les parties à faire preuve d’une retenue maximale et à privilégier les voies diplomatiques pour éviter une déstabilisation accrue dans une région déjà volatile.”
La confrontation actuelle découle de rapports de renseignement suggérant que l’Iran a accéléré l’enrichissement d’uranium dans son installation de Fordow à des niveaux que les analystes occidentaux considèrent comme compatibles avec le développement d’armes. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a décrit la situation comme “franchissant une ligne rouge qui ne peut être ignorée” lors d’une réunion d’urgence du cabinet samedi.
Les marchés internationaux ont immédiatement réagi à cette montée des tensions, avec une hausse de 4,7% des prix du pétrole lors des premiers échanges lundi. Les producteurs d’énergie canadiens ont connu des augmentations significatives de leurs cours boursiers, bien que les économistes de la Banque Royale du Canada aient averti qu’un conflit régional prolongé pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales, déjà sous pression en raison des problèmes maritimes en cours dans la mer Rouge.
L’expert en défense Michael Byers de l’Université de Colombie-Britannique a indiqué que la position diplomatique du Canada reflète son délicat exercice d’équilibre. “Tout en soutenant fermement le droit d’Israël à la sécurité, Ottawa reconnaît qu’une escalade militaire ne sert les intérêts de personne et pourrait potentiellement déclencher un conflit régional plus large impliquant de multiples acteurs.”
Cette crise diplomatique représente un défi important pour le gouvernement de Justin Trudeau, qui a fait l’objet de critiques des deux côtés du spectre politique pour ses politiques au Moyen-Orient. Le critique conservateur aux affaires étrangères, Michael Chong, a accusé le gouvernement de “messages faibles et incohérents”, tandis que le chef du NPD, Jagmeet Singh, a appelé le Canada à prendre une position plus ferme contre une potentielle action militaire.
Les organisations juives canadiennes et irano-canadiennes ont publié des déclarations exprimant leur inquiétude quant à l’impact du conflit sur les communautés diasporiques. Le Centre pour Israël et les Affaires juives a noté une “anxiété accrue” parmi les Juifs canadiens, tandis que le Congrès irano-canadien a exhorté le gouvernement à “travailler activement pour empêcher une action militaire qui nuirait aux civils.”
Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a appelé à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité, où l’ambassadeur canadien aux Nations Unies, Bob Rae, devrait présenter la position d’Ottawa soutenant des solutions diplomatiques multilatérales.
Les analystes financiers de la Banque TD ont suggéré que les tensions pourraient compliquer les perspectives économiques du Canada si les prix de l’énergie restaient élevés, ajoutant potentiellement une pression inflationniste juste au moment où la Banque du Canada a commencé à assouplir les taux d’intérêt.
“Nous assistons à l’intersection de la géopolitique, de la sécurité énergétique et des préoccupations humanitaires,” a expliqué Janice Stein, directrice fondatrice de l’École Munk des Affaires mondiales. “La réponse du Canada équilibre ces facteurs tout en reconnaissant notre influence directe limitée dans la région.”
Alors que les efforts diplomatiques s’intensifient, la question demeure : la pression internationale peut-elle réussir à désamorcer cette crise alors que les rivalités régionales se sont montrées résistantes à l’intervention extérieure depuis des décennies?