Dans une initiative audacieuse qui pourrait remodeler le paysage de l’intelligence artificielle au Canada, le professeur de l’Université de Toronto Ajay Agrawal a lancé AXL—un studio de capital-risque dédié à transformer la recherche en IA en entreprises prêtes pour le marché. Cette initiative émerge alors que les leaders technologiques canadiens cherchent à capitaliser sur l’expertise approfondie du pays en IA tout en comblant le fossé persistant de commercialisation qui a historiquement vu des recherches révolutionnaires profiter à des entreprises étrangères.
“Nous avons excellé dans la recherche, mais nous avons été terribles en matière de commercialisation,” m’a confié Agrawal lors d’une entrevue exclusive au siège d’AXL dans le centre-ville de Toronto. “Le modèle de studio de capital-risque nous permet de passer rapidement du concept à l’entreprise avec les ressources et l’expertise dont les startups ont désespérément besoin.”
Contrairement aux accélérateurs ou incubateurs traditionnels, AXL fonctionne comme une usine de création d’entreprises, fournissant non seulement du financement mais aussi un soutien opérationnel, des talents techniques et des ressources en développement commercial. Le studio a déjà obtenu 25 millions de dollars en financement, avec le soutien d’investisseurs de renom, notamment Thomson Reuters Ventures, RBC Ventures et Georgian Partners.
Ce qui distingue AXL, c’est sa méthodologie. Plutôt que d’attendre que des entrepreneurs présentent leurs idées, le studio identifie activement des opportunités commerciales dans la recherche en IA, constitue des équipes fondatrices autour de ces concepts et fournit un soutien substantiel pendant les premières étapes critiques. Cette approche pratique répond à un défi majeur de l’écosystème d’innovation canadien—la difficulté à traduire l’excellence académique en succès commercial.
“Le problème fondamental au Canada n’est pas la qualité de notre recherche ou de nos idées,” a expliqué Jordan Jacobs, cofondateur de l’Institut Vector et investisseur chez AXL. “C’est que nous n’avons pas construit l’infrastructure pour transformer systématiquement ces idées en entreprises compétitives à l’échelle mondiale.”
Les statistiques confirment cette observation. Bien que le Canada se classe quatrième mondialement en production de recherche en IA, il ne capte qu’une fraction de la valeur économique générée par cette propriété intellectuelle. Entre 2017 et 2022, les startups canadiennes en IA ont levé environ 8 milliards de dollars en capital-risque—impressionnant jusqu’à ce qu’on le compare aux 110 milliards de dollars levés par leurs homologues américaines durant la même période.
La création d’AXL survient à un moment critique pour la tech canadienne. Avec l’IA qui progresse à une vitesse sans précédent et des entreprises comme OpenAI et Anthropic qui sécurisent des milliards en investissement, la fenêtre pour établir un avantage compétitif se rétrécit. Le modèle de studio de capital-risque, qui a fait ses preuves dans d’autres centres technologiques, offre une alternative prometteuse au développement traditionnel des startups.
Le studio a déjà lancé sa première entreprise—Palette, une plateforme alimentée par l’IA qui aide les entreprises à construire des modèles de langage personnalisés avec leurs données propriétaires. Deux autres startups sont en développement, se concentrant sur les applications de l’IA dans les services financiers et les soins de santé.
Pour l’écosystème technologique de Toronto, AXL représente plus qu’un simple véhicule d’investissement. Il symbolise une approche mûrie de l’innovation qui reconnaît à la fois les forces et les faiblesses du Canada. En fournissant non seulement du capital mais aussi une expertise opérationnelle et des connexions avec le marché, le studio s’attaque à la “vallée de la mort” qui a emporté de nombreuses startups canadiennes prometteuses.
“Nous créons des entreprises qui peuvent s’étendre mondialement tout en gardant leur centre de gravité au Canada,” a déclaré Agrawal, qui a également cofondé le Creative Destruction Lab, un autre centre d’innovation réussi. “Cela signifie que les emplois, les investissements et la propriété intellectuelle restent ici, créant des avantages économiques à long terme.”
Alors que la compétition mondiale pour les talents et les idées en IA s’intensifie, des initiatives comme AXL pourraient déterminer si le Canada peut convertir son excellence en recherche en leadership commercial. Les enjeux ne pourraient être plus élevés—avec l’IA qui devrait ajouter 15,7 billions de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030, selon une analyse de PwC.
Le modèle d’AXL s’avérera-t-il le chaînon manquant dans la chaîne d’innovation du Canada? La réponse ne réside pas seulement dans le nombre d’entreprises qu’il lancera, mais dans la capacité de ces entreprises à atteindre l’échelle et l’impact qui ont souvent échappé aux startups canadiennes. Ce qui est certain, c’est que l’approche traditionnelle n’a pas livré les résultats dont le Canada a besoin pour maintenir sa position dans la révolution de l’IA.
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