Les patients ontariens se voient illégalement facturer des centaines, parfois des milliers de dollars pour des procédures médicalement nécessaires dans des cliniques privées, selon un rapport accablant publié mardi par la Coalition de la santé de l’Ontario. L’enquête de ce groupe de surveillance a suscité de nouvelles préoccupations concernant l’accessibilité aux soins de santé, alors que la province poursuit son expansion des modèles de prestation privés.
Le rapport documente des dizaines de cas où les patients ont fait face à des factures inattendues pour des services qui devraient être entièrement couverts par l’assurance-santé provinciale. Dans un cas particulièrement troublant, un résident de Toronto de 67 ans s’est vu facturer 1 800 $ pour une chirurgie de la cataracte dans une clinique ophtalmologique privée, malgré le fait que cette procédure soit couverte par l’Assurance-santé de l’Ontario (OHIP).
« Ce que nous observons est un contournement systématique des principes de soins de santé du Canada », a déclaré Natalie Mehra, directrice générale de la Coalition de la santé de l’Ontario. « Ces cliniques créent essentiellement un système à deux vitesses où ceux qui peuvent se permettre de payer sautent la file d’attente, tandis que tous les autres attendent plus longtemps dans le système public. »
L’enquête de la coalition a identifié des pratiques de facturation problématiques dans 28 établissements à travers la province, avec la plus forte concentration dans la région du Grand Toronto et d’Ottawa. Les frais variaient de 75 $ pour des « frais administratifs » à plus de 5 000 $ pour certaines procédures orthopédiques.
La ministre de la Santé, Sylvia Jones, a défendu les mécanismes de surveillance de la province, affirmant que le gouvernement « prend très au sérieux les allégations de facturation inappropriée » et encourageant les patients à signaler de tels incidents à la ligne d’assistance contre la fraude du ministère.
Cependant, les critiques soutiennent que la récente initiative de la province visant à accroître la prestation privée de services financés par les fonds publics a créé une confusion quant à ce que les patients devraient s’attendre à payer. La porte-parole de la santé du NPD, France Gélinas, a qualifié les conclusions de « profondément préoccupantes » et a exigé un renforcement de l’application des réglementations existantes.
« Le gouvernement Ford permet à ces cliniques de fonctionner avec une surveillance minimale tandis que les patients se retrouvent avec des factures qu’ils n’auraient jamais dû recevoir », a déclaré Gélinas à Queen’s Park.
Les experts juridiques notent qu’en vertu de la Loi canadienne sur la santé et de la Loi sur l’engagement d’assurer l’avenir de l’assurance-santé de l’Ontario, il est interdit aux cliniques de facturer aux patients des services couverts par l’assurance-santé provinciale. Les établissements qui enfreignent ces règles peuvent faire face à des pénalités importantes, y compris des amendes allant jusqu’à 25 000 $.
Le rapport arrive à un moment particulièrement sensible, alors que l’Ontario continue d’élargir le rôle des établissements de santé indépendants pour réduire les retards chirurgicaux qui se sont aggravés pendant la pandémie. La province a maintenu que cette expansion restera dans le système public, l’OHIP couvrant toutes les procédures médicalement nécessaires.
Les défenseurs des patients réclament plus de transparence et d’application. « La plupart des gens ne connaissent pas leurs droits lorsqu’on leur remet une facture dans un contexte médical », a déclaré Maria Rodriguez de l’Association des droits des patients. « Ils supposent que si un professionnel de la santé leur facture quelque chose, cela doit être légitime. »
La coalition a appelé à une intervention immédiate du ministère dans les établissements identifiés et à un moratoire sur la privatisation jusqu’à ce que des garanties plus solides soient mises en place.
Alors que le système de soins de santé de l’Ontario continue d’évoluer, la question fondamentale demeure : la province peut-elle efficacement exploiter la prestation privée tout en garantissant un accès égal et en empêchant l’érosion du modèle à payeur unique du Canada?