Les corridors stériles des tribunaux de la Colombie-Britannique accueillent actuellement une bataille qui transcende les technicités juridiques et touche au cœur de notre définition de la dignité humaine dans notre société. Une contestation constitutionnelle de la Loi sur la santé mentale de la C.-B. est entrée dans sa phase finale, les plaidoiries de clôture mettant en lumière les tensions profondes entre les soins protecteurs et les libertés fondamentales.
Au cœur de cette affaire historique se pose la question de savoir si l’approche de la province en matière de détention involontaire et de traitement des personnes souffrant de problèmes de santé mentale viole la Charte canadienne des droits et libertés. Le Conseil des Canadiens avec déficiences et deux plaignants individuels soutiennent que le cadre actuel, qui permet la médication forcée et l’hospitalisation sans consentement, représente un échec systémique du respect de l’autonomie et de la dignité des personnes vivant avec des handicaps psychiatriques.
Ce qui rend cette affaire particulièrement significative, c’est qu’elle nous force à confronter des contradictions inconfortables dans notre approche des soins. Alors que la province maintient que ces mesures sont des garanties nécessaires pour protéger les personnes vulnérables qui peuvent manquer de discernement sur leur état, les critiques pointent vers des preuves croissantes suggérant que le système actuel traumatise souvent les personnes mêmes qu’il vise à aider.
“Nous avons construit un système qui prétend être compatissant tout en dépouillant simultanément les gens de leur droit le plus fondamental à l’autonomie corporelle”, déclare Dr. Marina Wilson, une psychiatre qui est devenue de plus en plus critique envers les protocoles de traitement involontaire. “La question n’est pas de savoir si nous devrions fournir des soins, mais si des soins sans consentement sont vraiment des soins.”
Les plaignants soulignent des aspects particulièrement troublants du système de santé mentale de la C.-B., notamment l’absence de représentation juridique indépendante pour les patients détenus et le manque de surveillance significative des décisions de traitement. Selon les données présentées lors du procès, la C.-B. détient plus de personnes sous sa Loi sur la santé mentale que toute autre province canadienne, soulevant de sérieuses questions quant à savoir si les mesures involontaires sont devenues la norme plutôt que le dernier recours.
Cette affaire émerge dans un contexte d’évolution des normes mondiales. La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, que le Canada a ratifiée, reconnaît explicitement que toutes les personnes ont une capacité juridique indépendamment de leur handicap et appelle à la prise de décision assistée plutôt qu’à la prise de décision substitutive. L’approche actuelle de la C.-B. semble de plus en plus en décalage avec ces cadres internationaux des droits de la personne.
Ce qui est particulièrement frappant dans cette contestation, c’est qu’elle met en lumière l’écart entre les valeurs déclarées de notre société et les pratiques institutionnelles. Nous défendons l’autonomie et le consentement éclairé dans la plupart des contextes médicaux, mais faisons des exceptions pour les soins psychiatriques qui seraient impensables dans d’autres domaines de la santé. Un patient atteint de cancer peut refuser un traitement même si les médecins pensent qu’il lui sauvera la vie, mais une personne diagnostiquée avec la schizophrénie pourrait être médicamentée de force contre ses souhaits exprimés.
La province soutient que cette distinction est justifiée par la nature même de la maladie mentale—que les conditions psychiatriques peuvent altérer la capacité à prendre des décisions éclairées concernant le traitement. Pourtant, ce raisonnement crée une logique circulaire troublante : le diagnostic lui-même devient une justification pour retirer des droits, avec des voies de recours limitées.
Les communautés ayant une expérience vécue de détention psychiatrique se sont ralliées autour de cette affaire, partageant des histoires qui entrent rarement dans le discours public. Leurs témoignages révèlent un système qui, malgré de bonnes intentions, crée souvent des traumatismes durables et érode la confiance envers les prestataires de soins de santé. Beaucoup décrivent être traités comme des problèmes à gérer plutôt que comme des personnes méritant dignité et autonomie.
Alors que nous attendons la décision du tribunal, prévue pour début 2024, des questions plus larges se posent sur notre engagement collectif envers les principes des droits de la personne. Sommes-nous prêts à réimaginer les soins de santé mentale de manière à centrer le consentement et la prise de décision assistée? Pouvons-nous développer des approches qui fournissent les soins nécessaires tout en préservant les dignités fondamentales?
Quel que soit le résultat, cette affaire a déjà réussi à attirer l’attention critique sur un système qui fonctionne largement dans l’ombre. Pendant trop longtemps, nous avons accepté des restrictions à la liberté des personnes souffrant de handicaps psychiatriques que nous considérerions inconcevables pour tout autre groupe. La véritable mesure de la compassion de notre société n’est pas seulement de savoir si nous fournissons des soins, mais si ces soins honorent l’humanité de ceux qui les reçoivent.
La contestation de la Loi sur la santé mentale de la C.-B. ne porte pas simplement sur des technicités juridiques—il s’agit de savoir si nous croyons vraiment que les droits de la personne appartiennent à tous, sans exception.
Pour plus de perspectives sur les changements culturels dans les approches de soins de santé, visitez CO24 Culture ou explorez les tendances sociales émergentes à CO24 Tendances. Participez à la conversation sur les approches des soins fondées sur les droits à CO24 Opinions.