Dans une manœuvre diplomatique stratégique qui signale des efforts renouvelés pour réparer des liens bilatéraux fracturés, le premier ministre Justin Trudeau a nommé l’ancien premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, pour diriger la réconciliation diplomatique du Canada avec l’Inde. Cette décision intervient à un moment critique alors que les relations entre les deux pays se sont détériorées à leur plus bas niveau depuis des décennies, suite aux allégations d’implication du gouvernement indien dans l’assassinat du séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar sur le sol canadien.
Wall, qui a été premier ministre de la Saskatchewan de 2007 à 2018, apporte sa vaste expérience dans le commerce international et les exportations agricoles à cette mission difficile. Durant son mandat, Wall s’est imposé comme un leader conservateur pragmatique qui a su naviguer avec succès dans des relations commerciales complexes, particulièrement dans les secteurs riches en ressources qui constituent l’épine dorsale des exportations canadiennes vers l’Inde.
“Brad Wall possède la bonne combinaison d’acuité diplomatique et d’expérience pratique pour rétablir cette relation vitale,” a déclaré la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, dans une déclaration à CO24 Politique. “Sa compréhension des marchés agricoles et des partenariats énergétiques sera inestimable pour reconstruire les ponts économiques avec l’Inde.”
Cette nomination représente un changement notable dans l’approche d’Ottawa, qui se tourne vers une figure conservatrice respectée pour résoudre une crise diplomatique qui a vu les deux nations expulser des diplomates et suspendre les services de visa. Les relations commerciales ont considérablement souffert, avec une baisse du commerce bilatéral de près de 24% depuis le début de l’impasse diplomatique en septembre dernier.
Le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, a exprimé son optimisme quant à ce choix, soulignant que “la crédibilité de Wall à travers les spectres politiques le place dans une position unique pour entamer de nouvelles conversations avec New Delhi tout en maintenant les principes du Canada sur les questions de sécurité nationale.”
Wall fait face à des défis considérables dans son nouveau rôle. Le gouvernement indien a constamment nié toute implication dans la mort de Nijjar et a exigé des preuves concrètes des autorités canadiennes. Entretemps, ces allégations ont enflammé les tensions au sein de la communauté indo-canadienne de 1,4 million de personnes, particulièrement parmi les Canadiens sikhs.
Les experts commerciaux soulignent les enjeux économiques impliqués. “Avec une classe moyenne indienne qui devrait atteindre 600 millions de personnes d’ici 2030, le Canada ne peut pas se permettre de rester diplomatiquement éloigné de ce qui sera bientôt la troisième économie mondiale,” a déclaré Goldy Hyder, président du Conseil canadien des affaires, dans une entrevue avec CO24 Affaires.
La nomination de Wall a reçu un soutien bipartisan, l’ancien ministre libéral des Affaires étrangères John Manley la décrivant comme “un choix pragmatique qui place l’intérêt national au-dessus de la politique partisane.” Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a ajouté que “l’approche franche de Wall et sa compréhension des besoins agricoles de l’Inde aideront à surmonter l’impasse diplomatique.”
Le moment choisi pour cette initiative diplomatique coïncide avec l’importance croissante de l’Inde dans la géopolitique mondiale, alors que les nations occidentales cherchent des partenariats plus forts dans la région indo-pacifique pour contrebalancer l’influence de la Chine. La Stratégie indo-pacifique du Canada, lancée en 2022, a identifié l’Inde comme un partenaire crucial, rendant l’actuel gel diplomatique particulièrement problématique pour des objectifs stratégiques plus larges.
Alors que Wall se prépare à relever ce défi, la question demeure : une personnalité politique respectée peut-elle surmonter le profond déficit de confiance qui existe maintenant entre deux démocraties dont la relation s’étend sur plus de 75 ans, ou les réalités géopolitiques forceront-elles finalement une réinitialisation indépendamment de qui dirige les efforts diplomatiques?