Dans les laboratoires tranquilles de l’Université de Colombie-Britannique, des chercheurs ont peut-être découvert une solution au taux de recyclage stagnant du Canada qui repose sur un motivateur étonnamment efficace : la chance de gagner des prix. Une étude novatrice publiée hier examine comment l’implantation d’incitatifs de type loterie pourrait révolutionner les systèmes de consigne de bouteilles à travers le pays, augmentant potentiellement la participation au recyclage jusqu’à 35 % dans les communautés pilotes.
“Le comportement humain est fondamentalement lié aux systèmes de récompense, et les programmes de recyclage traditionnels ont largement ignoré cette réalité psychologique,” explique Dr. Maya Patel, chercheuse principale et économiste environnementale à l’Institut de durabilité de l’UBC. “Notre étude de trois ans démontre que lorsque les gens ont même une petite chance de gagner quelque chose pour leurs efforts environnementaux, la participation monte en flèche.”
L’équipe de recherche a déployé des systèmes de consigne de bouteilles basés sur la loterie dans cinq municipalités canadiennes, chacune représentant différents profils démographiques et géographiques. Les participants recevaient une participation numérique à des tirages hebdomadaires et mensuels chaque fois qu’ils retournaient des contenants éligibles. Les résultats étaient frappants – non seulement les taux de retour globaux ont augmenté, mais les programmes ont attiré des segments entièrement nouveaux de la population qui n’avaient jamais participé auparavant aux retours de bouteilles.
À Fredericton, au Nouveau-Brunswick, où le projet pilote a connu les résultats les plus spectaculaires, les taux de recyclage sont passés de 62 % à 89 % en seulement six mois. James Morrison, un résident local, a confié aux chercheurs : “J’avais l’habitude de laisser mes contenants vides s’accumuler pendant des mois. Maintenant, je les retourne chaque semaine parce que, pourquoi pas? Même si je ne gagne pas les gros prix, je récupère quand même ma consigne.”
La partie analyse économique de l’étude suggère que le modèle pourrait être autonome. Contrairement aux programmes de recyclage traditionnels qui nécessitent un financement gouvernemental constant, le système de loterie génère de l’enthousiasme tout en fonctionnant avec une portion des consignes non réclamées et des commandites privées. Des partenaires industriels ont déjà exprimé leur intérêt pour étendre le concept à l’échelle nationale.
Ce qui distingue cette approche des incitatifs de recyclage précédents est son application minutieuse des principes d’économie comportementale. “Nous n’ajoutons pas simplement une composante de loterie,” dit Dr. Patel. “Nous avons soigneusement calibré la structure de récompense pour maximiser l’engagement psychologique tout en demeurant économiquement viable.”
Les évaluations d’impact environnemental menées parallèlement à la recherche comportementale indiquent que, si mis en œuvre à l’échelle nationale, un tel programme pourrait détourner annuellement 243 000 tonnes supplémentaires de matériaux recyclables des sites d’enfouissement. Cela représenterait une étape importante vers l’atteinte des objectifs climatiques du Canada tout en créant de nouvelles opportunités dans l’économie circulaire.
Les critiques, cependant, se demandent si l’utilisation de mécanismes semblables aux jeux de hasard est la bonne approche pour la gérance environnementale. Dr. Thomas Reyerson de l’Institut canadien des politiques environnementales met en garde : “Bien que les résultats soient prometteurs, nous devons considérer si la création de systèmes qui pourraient déclencher des comportements addictifs est la fondation que nous voulons pour l’action environnementale.”
L’équipe de l’UBC reconnaît ces préoccupations mais note que leur programme inclut des mesures de protection pour prévenir les comportements problématiques de jeu, tout en soulignant que la motivation provient principalement des bénéfices environnementaux, la composante loterie servant simplement d’incitatif supplémentaire.
Alors que les municipalités à travers le Canada luttent avec les défis de gestion des déchets et les objectifs ambitieux de recyclage, cette recherche offre une voie potentielle qui fusionne la science comportementale avec les objectifs environnementaux. Plusieurs ministres provinciaux de l’environnement ont demandé des séances d’information sur les conclusions, suggérant que des changements de politique pourraient être à l’horizon.
La question qui se pose maintenant aux décideurs politiques canadiens et aux défenseurs de l’environnement est profonde : si une petite chance de gagner des prix peut augmenter dramatiquement notre volonté de recycler, qu’est-ce que cela révèle sur nos motivations sous-jacentes pour la gérance environnementale, et comment pourrions-nous exploiter ces idées pour d’autres défis de durabilité?