Dans une rupture décisive après des mois de gel diplomatique, le Premier ministre Mark Carney a fermement défendu la décision de son gouvernement de rétablir des relations diplomatiques complètes avec l’Inde, qualifiant ce réengagement de “fondamental” pour les intérêts stratégiques du Canada dans la région indo-pacifique.
Lors d’une conférence de presse à Ottawa hier, Carney a abordé cette décision controversée qui a suscité de vifs débats dans tout le paysage politique canadien. “L’isolement diplomatique n’aboutit qu’à un désavantage mutuel,” a déclaré Carney, flanqué de la ministre des Affaires étrangères Anita Anand. “Notre approche renouvelée avec l’Inde représente une reconnaissance pragmatique que l’engagement, même durant des périodes de profond désaccord, sert mieux nos intérêts nationaux qu’un éloignement continu.”
Ce dégel diplomatique survient après près de deux ans de relations gravement tendues suite aux allégations d’implication du gouvernement indien dans l’assassinat du séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar sur le sol canadien en 2023. Ces accusations, que l’Inde a toujours niées, avaient conduit à l’expulsion mutuelle de diplomates et à une rupture presque complète des communications bilatérales.
“Nous n’avons pas abandonné nos principes ni notre engagement envers la justice,” a souligné Carney, répondant aux préoccupations des critiques qui affirment que le gouvernement a privilégié les intérêts économiques au détriment de la responsabilité. “L’enquête sur le décès de M. Nijjar se poursuit avec toute la vigueur et les ressources nécessaires. Mais le Canada ne peut se permettre un isolement diplomatique vis-à-vis du pays le plus peuplé du monde et de la cinquième économie mondiale en ces temps d’incertitude globale.”
Les données économiques suggèrent que le différend diplomatique a coûté cher aux deux nations. Les leaders d’entreprises canadiennes ont signalé la perte d’environ 4,7 milliards de dollars en opportunités potentielles de commerce et d’investissement depuis 2023, tandis que les établissements d’enseignement ont constaté une baisse de 37% des étudiants internationaux venant d’Inde, qui représentait auparavant leur plus grande source d’étudiants étrangers.
La ministre des Affaires étrangères Anand a décrit les mesures spécifiques prises pour normaliser les relations, notamment le retour des ambassadeurs à leurs postes respectifs d’ici août, la reprise du traitement des visas aux niveaux d’avant 2023, et l’établissement d’un nouveau dialogue bilatéral de sécurité axé sur les préoccupations mutuelles concernant l’extrémisme.
“Nous entrons dans cette relation renouvelée les yeux grands ouverts,” a déclaré Anand. “Des différences subsistent et seront abordées par une diplomatie de principe plutôt que par une confrontation publique.”
L’opposition a critiqué le moment choisi pour cette annonce, le chef conservateur Pierre Poilievre se demandant si le gouvernement avait reçu des engagements concrets de l’Inde concernant la coopération dans l’enquête Nijjar. “Le Premier ministre Carney a-t-il obtenu de véritables garanties de coopération indienne, ou a-t-il simplement renoncé à la justice pour courir après des dollars commerciaux?” a demandé Poilievre pendant la période des questions.
Pendant ce temps, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a exprimé sa “profonde déception” face à cette décision, soutenant qu’elle envoie un message dangereux concernant l’engagement du Canada à protéger ses citoyens. “Le gouvernement semble prêt à normaliser les relations sans demander de comptes pour un présumé assassinat sur le sol canadien,” a déclaré Singh lors d’une conférence de presse à Vancouver.
La relation Inde-Canada a des implications plus larges pour la politique mondiale et la stabilité régionale. Les analystes de la défense soulignent le rôle crucial de l’Inde dans le contrepoids à l’influence chinoise dans l’Indo-Pacifique, une priorité stratégique identifiée dans le cadre de politique étrangère le plus récent du Canada.
Dr. Stephanie Reynolds, Directrice des études sud-asiatiques à l’Université de Toronto, considère ce mouvement comme inévitable mais délicat. “L’approche du gouvernement Trudeau avait créé une situation diplomatique insoutenable qui nécessitait une correction. Carney tente cette correction tout en essayant de ne pas donner l’impression que le Canada recule sur des allégations graves,” a confié Reynolds lors d’une entrevue.
Pour les 1,4 million de membres de la communauté indo-canadienne, ce reset diplomatique suscite des réactions mitigées. Les leaders communautaires rapportent une division entre ceux qui privilégient le renforcement des liens bilatéraux et ceux qui exigent une pleine responsabilité dans l’affaire Nijjar avant toute normalisation.
Alors que les deux nations naviguent dans ce redémarrage diplomatique provisoire, des questions subsistent quant à l’évolution de cette relation parallèlement à une enquête pour meurtre en cours aux implications internationales. Le Canada a-t-il trouvé le bon équilibre entre engagement pragmatique et défense de principes, ou ce reset diplomatique signale-t-il un précédent troublant sur la façon dont les nations réagissent lorsque valeurs fondamentales et intérêts stratégiques entrent en collision?