Lors d’une séance nocturne décisive avant la pause estivale, la Chambre des communes a adopté jeudi le controversé projet de loi du gouvernement libéral sur les grands projets, marquant un changement significatif dans la façon dont le Canada approuvera les développements d’infrastructures critiques. Le projet de loi a été adopté par un vote de 175 contre 147, le NPD soutenant le gouvernement tandis que les députés conservateurs et du Bloc Québécois s’y sont fermement opposés.
La Loi pour bâtir le Canada, comme on l’appelle officiellement, représente la refonte la plus importante du processus d’approbation des projets au Canada depuis des décennies. Le premier ministre Justin Trudeau a présenté cette législation comme une approche équilibrée qui accélérera les projets économiquement vitaux tout en maintenant les garanties environnementales—un exercice d’équilibre délicat dans un pays où le développement des ressources entre fréquemment en conflit avec les engagements climatiques.
“Cette législation donne au Canada les outils nécessaires pour concurrencer dans l’économie du 21e siècle tout en respectant nos responsabilités environnementales,” a déclaré le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault aux journalistes après le vote. “Nous ne pouvons plus nous permettre des retards interminables sur des projets qui créent des emplois et soutiennent notre transition vers l’énergie propre.”
Le projet de loi établit un nouveau cadre pour accélérer les approbations de projets jugés d’«avantage national»—y compris l’exploitation minière de minéraux critiques, les installations d’hydrogène et les usines de batteries pour véhicules électriques. Plus controversé encore, il accorde au Cabinet des pouvoirs élargis pour désigner des projets prioritaires et simplifier leurs parcours réglementaires.
Les députés conservateurs ont critiqué la législation comme créant un pouvoir discrétionnaire ministériel excessif. “C’est une centralisation du pouvoir déguisée en efficacité,” a soutenu le critique de l’opposition Michael Barrett lors du débat final. “Les libéraux demandent aux Canadiens de faire confiance à des décisions de cabinet prises à huis clos avec une transparence minimale.”
Les dirigeants autochtones ont exprimé des réactions mitigées. L’Assemblée des Premières Nations reconnaît l’amélioration des exigences de consultation mais met en garde contre les limitations potentielles des processus de consentement complet. “Nous constatons des progrès dans la reconnaissance des systèmes de connaissances autochtones, mais restons préoccupés par les détails de mise en œuvre,” a déclaré la chef nationale Cindy Woodhouse dans une réponse formelle.
Le projet de loi a fait l’objet de nombreux amendements pendant l’examen en comité, notamment un langage renforcé sur la consultation des Autochtones et des critères d’évaluation environnementale plus clairs. Cependant, les tentatives d’ajouter des tests d’émissions obligatoires pour tous les projets désignés ont été rejetées.
Les groupes d’affaires, particulièrement ceux du développement des ressources, ont généralement bien accueilli la législation. La Chambre de commerce du Canada l’a qualifiée de “étape nécessaire vers la certitude réglementaire,” tandis que des organisations environnementales comme Défense environnementale ont critiqué ce qu’elles décrivent comme des “protections écologiques affaiblies.”
La législation passe maintenant au Sénat, où un examen plus approfondi l’attend. Les sénateurs ont signalé leur intention d’examiner minutieusement les implications du projet de loi sur la compétence provinciale et la surveillance environnementale. Compte tenu de l’approche de la pause estivale, l’adoption finale est peu probable avant l’automne.
Alors que le Canada navigue entre les priorités concurrentes du développement économique, de l’action climatique et de la réconciliation avec les peuples autochtones, une question fondamentale émerge : une seule pièce de législation peut-elle équilibrer avec succès l’accélération des infrastructures critiques tout en maintenant les normes environnementales et de consultation auxquelles les Canadiens s’attendent?