Dans un tournant dramatique, l’abattage prévu de 119 autruches potentiellement infectées par la grippe aviaire en Colombie-Britannique a été temporairement suspendu suite à l’intervention juridique urgente des propriétaires d’élevages. Cette suspension survient après des tensions croissantes entre les autorités provinciales et les éleveurs d’autruches qui remettaient en question la nécessité et les fondements scientifiques de cette opération d’abattage à grande échelle.
“Cette pause représente un moment critique pour notre ferme et toute l’industrie de l’autruche au Canada,” a déclaré Philip Moubray, propriétaire du Villa Ostrich Ranch à Armstrong, C.-B., dont l’exploitation risquait de perdre presque tout son cheptel. “Nous avons investi des années à bâtir cette entreprise d’élevage spécialisé et méritons une évaluation scientifique complète avant que des mesures aussi drastiques ne soient prises.”
L’ordre d’abattage controversé a initialement été émis après qu’une seule autruche d’une ferme voisine ait été testée positive au virus H5N1 de la grippe aviaire fin octobre. Les autorités vétérinaires provinciales ont rapidement ordonné l’élimination des oiseaux à la ferme de Moubray et deux autres situées dans un rayon de 3 kilomètres comme mesure préventive, malgré l’absence de signes de maladie chez tous les oiseaux de ces exploitations.
Ce qui rend cette affaire particulièrement litigieuse, c’est que les autruches semblent réagir différemment à la grippe aviaire que la volaille conventionnelle. Selon des recherches émergentes d’Afrique du Sud, où l’élevage d’autruches est plus établi, ces grands oiseaux non volants développent souvent des anticorps contre le virus sans tomber gravement malades ni le propager efficacement.
L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a adopté une approche rigoureuse pour gérer les épidémies de grippe aviaire, ce qui a aidé à contrôler la maladie dans les exploitations avicoles traditionnelles. Cependant, les agriculteurs et certains experts vétérinaires soutiennent que cette politique uniforme ne tient pas compte des différences biologiques entre les espèces.
“La science concernant les autruches et la grippe aviaire évolue,” a expliqué Dr. Victoria Chen, épidémiologiste vétérinaire expérimentée dans l’élevage exotique. “Bien que la prudence soit justifiée, nous observons de plus en plus de preuves que les autruches peuvent naturellement résister aux maladies graves et pourraient ne pas présenter le même risque de transmission que les poulets ou les dindes.”
Le recours juridique a réussi à obtenir un sursis temporaire pendant que le Conseil de révision de l’industrie agricole de la Colombie-Britannique examine les preuves. Pour les agriculteurs touchés, cela représente plus qu’une simple question commerciale – il s’agit de la survie d’un secteur d’élevage spécialisé naissant au Canada.
Les implications financières sont importantes pour les exploitations touchées. Les autruches, évaluées entre 2 500 $ et 30 000 $ par oiseau reproducteur, représentent des investissements considérables. Contrairement aux exploitations avicoles conventionnelles, la reconstruction d’un troupeau d’autruches prend des années en raison des cycles de reproduction plus longs et de la disponibilité limitée de stock de remplacement en Amérique du Nord.
Le programme provincial d’indemnisation, conçu principalement pour les exploitations avicoles traditionnelles, pourrait ne pas répondre adéquatement à la valeur marchande unique et aux défis de remplacement du bétail spécialisé comme les autruches. Cette disparité a intensifié les tensions entre les régulateurs et les agriculteurs qui cherchent un traitement équitable.
L’échantillonnage environnemental dans les fermes est en cours, et les résultats devraient fournir des données cruciales qui pourraient influencer la décision finale. Les autorités provinciales maintiennent que des mesures strictes de biosécurité restent en place dans toutes les propriétés affectées pour prévenir toute propagation potentielle.
Alors que cette situation se déroule, elle soulève d’importantes questions sur l’équilibre entre le contrôle des maladies et les approches fondées sur des preuves adaptées aux différentes espèces. Le résultat pourrait établir un précédent important sur la façon dont les autorités agricoles canadiennes gèrent les futures épidémies dans l’élevage non traditionnel.
Alors que les systèmes alimentaires mondiaux se diversifient pour répondre à l’évolution des demandes des consommateurs, nos cadres réglementaires évolueront-ils assez rapidement pour soutenir l’agriculture spécialisée durable tout en maintenant des normes essentielles de biosécurité?