Dans les vallées brumeuses de la région côtière de la Colombie-Britannique, une révolution environnementale prend forme discrètement. Les communautés autochtones de toute la province ont lancé une initiative novatrice de zéro déchet qui pourrait bientôt transformer l’approche canadienne en matière de gestion des déchets. Ce qui a commencé comme des efforts localisés pour protéger les territoires ancestraux s’est transformé en un réseau sophistiqué de pratiques durables que les grandes municipalités étudient maintenant avec un vif intérêt.
“Nos ancêtres ont vécu sur ces terres pendant des milliers d’années sans créer de déchets nuisibles pour les générations futures,” explique la Cheffe Miranda Wilson de la Nation Sts’ailes. “Nous n’inventons rien de nouveau—nous récupérons des connaissances traditionnelles et les combinons avec la technologie moderne pour relever les défis d’aujourd’hui.”
L’initiative, officiellement établie en 2024, a déjà démontré des résultats remarquables. Les communautés participantes ont réduit leurs déchets destinés aux sites d’enfouissement de 78 % en seulement 12 mois, surpassant considérablement les moyennes provinciales. Le programme combine les principes traditionnels de conservation autochtones avec des modèles d’économie circulaire de pointe.
Au cœur de cette approche se trouve un système de traitement des déchets centré sur la communauté qui transforme les matières organiques en ressources agricoles. Contrairement aux programmes municipaux conventionnels, le modèle des Premières Nations intègre des pratiques culturelles qui considèrent les déchets non pas comme quelque chose à jeter, mais comme un matériau de régénération.
“Nous avons mis en place un système où les membres de la communauté séparent les déchets en sept catégories plutôt que les trois habituelles,” explique la coordinatrice environnementale Jasmine Mack. “Cela inclut des flux spéciaux pour les matériaux sacrés et les articles qui peuvent être réutilisés grâce à des techniques d’artisanat traditionnel.”
Ce qui rend l’initiative particulièrement remarquable est son impact économique. Le programme a créé 67 nouveaux emplois dans les communautés participantes, des spécialistes de la gestion des déchets aux éducateurs qui enseignent des pratiques environnementales traditionnelles et contemporaines dans les écoles et les centres communautaires.
Les responsables fédéraux ont pris note. Le mois dernier, Environnement Canada a annoncé une subvention de 12,3 millions de dollars pour étendre le programme à d’autres communautés en Colombie-Britannique et potentiellement à d’autres provinces.
“Le leadership autochtone dans l’intendance environnementale représente l’une de nos plus grandes opportunités pour une action climatique significative,” a déclaré le ministre fédéral de l’Environnement, Robert Harding, lors de l’annonce du financement. “Cette initiative démontre comment les connaissances traditionnelles peuvent informer et améliorer nos systèmes modernes de gestion des déchets.”
L’initiative a suscité un intérêt particulier dans le secteur des affaires canadien, plusieurs entreprises explorant des partenariats pour adapter des éléments du programme aux milieux urbains. La société torontoise de gestion des déchets EcoSystems Inc. a déjà signé un accord pour mettre en œuvre certains aspects du système de tri des Premières Nations dans trois municipalités ontariennes.
Les critiques ont d’abord questionné si un système de séparation et de traitement aussi intensif pourrait fonctionner dans des zones plus densément peuplées, mais les premiers essais dans des communautés plus petites comme Squamish ont montré des résultats prometteurs. La ville a réduit ses contributions aux décharges de 42 % après avoir adopté une version modifiée du programme des Premières Nations.
L’aspect peut-être le plus significatif est la composante culturelle de l’initiative. Plutôt que de traiter la gestion des déchets comme un simple problème technique, le programme incorpore des éléments éducatifs qui remettent en question les hypothèses fondamentales sur la consommation et l’élimination.
“Dans notre vision du monde, il n’y a pas de ‘ailleurs’ quand on jette quelque chose,” note l’Aîné Thomas Baker, qui sert de conseiller culturel au programme. “Tout va quelque part. Notre programme aide les gens à comprendre le cycle de vie complet des choses qu’ils utilisent.”
Alors que les préoccupations liées au changement climatique s’intensifient et que les municipalités canadiennes luttent contre les défis de gestion des déchets, cette initiative dirigée par les Autochtones offre une alternative convaincante qui fait le pont entre la sagesse ancienne et les besoins contemporains. La question qui se pose maintenant aux décideurs politiques et aux leaders communautaires est de savoir si le Canada conventionnel est prêt à apprendre des approches autochtones qui ont la durabilité tissée dans leur fondement même.