Dans une décision stratégique qui signale l’intensification de l’attention du Canada sur les relations commerciales avec les États-Unis, le Premier ministre Justin Trudeau a nommé le négociateur commercial chevronné David Morrison comme nouvel ambassadeur du pays à Washington. Cette nomination survient à un moment critique alors que les tensions économiques bilatérales persistent et que les politiques protectionnistes gagnent du terrain au sud de la frontière.
Morrison, qui a précédemment occupé le poste de sous-ministre des Affaires étrangères, assume l’un des rôles diplomatiques les plus importants du Canada suite au départ de Kirsten Hillman. Sa nomination souligne la détermination d’Ottawa à naviguer dans des dynamiques commerciales de plus en plus complexes avec son plus grand partenaire commercial, où environ 75 % des exportations canadiennes sont destinées.
“La relation canado-américaine demeure notre relation bilatérale la plus importante, sans aucun doute,” a souligné Trudeau lors de l’annonce à l’ambassade canadienne à Washington. “David Morrison apporte des décennies d’expérience diplomatique et d’expertise en négociation qui seront inestimables alors que nous travaillons à renforcer nos liens économiques tout en protégeant les intérêts canadiens.”
Cette nomination intervient dans un contexte d’inquiétudes croissantes concernant le retour potentiel des politiques commerciales de l’ère Trump. L’ancien représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, a récemment publié un livre préconisant des tarifs agressifs contre les partenaires commerciaux, y compris le Canada—une perspective qui a gagné du terrain parmi les législateurs républicains et démocrates.
Les experts de l’industrie considèrent la sélection de Morrison comme une réponse calculée à ces défis. “Nous observons un virage prononcé vers le nationalisme économique dans la politique américaine,” note Elizabeth Kingston, chercheuse principale à l’Institut canadien des affaires mondiales. “L’expérience de Morrison en négociations multilatérales donne au Canada une main expérimentée précisément au moment où les relations commerciales pourraient devenir nettement plus compliquées.”
Morrison hérite d’un portefeuille de questions non résolues, notamment les différends en cours concernant le bois d’œuvre, l’accès au marché des produits laitiers et la taxation des services numériques. L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) existant est prévu pour sa première révision en 2026, ajoutant une pression supplémentaire pour résoudre les éléments litigieux avant le début des négociations formelles.
Selon l’analyse de CO24 Affaires, environ 1,8 million d’emplois canadiens dépendent directement des exportations vers les États-Unis. Cette interdépendance économique a historiquement fourni au Canada un levier dans les négociations, mais la politique intérieure américaine menace de plus en plus cette relation alors que les deux principaux partis américains adoptent des plateformes plus protectionnistes.
“Ce à quoi nous assistons est un réalignement fondamental de la philosophie commerciale à Washington,” explique Dr. Amelia Rodriguez, professeure de commerce international à l’Université de Toronto. “Morrison devra élaborer une approche nuancée qui reconnaît les préoccupations légitimes américaines tout en défendant fermement la souveraineté économique canadienne.”
La nomination du nouvel ambassadeur a reçu un large soutien à travers le spectre politique canadien. Le chef de l’opposition Pierre Poilievre a publié une déclaration reconnaissant les qualifications de Morrison tout en exhortant le gouvernement à adopter une position plus ferme sur l’application des règles commerciales.
“Le Canada a historiquement été trop passif dans la défense de nos intérêts économiques,” a déclaré Poilievre. “Bien que Morrison soit hautement qualifié, son succès dépendra de la volonté du Premier ministre de lui donner le mandat de poursuivre une approche plus robuste dans les négociations commerciales.”
Morrison apporte des références diplomatiques substantielles à son nouveau rôle, ayant précédemment servi comme sous-ministre adjoint pour les Amériques et représenté le Canada dans de nombreux forums internationaux. Son expertise en diplomatie multilatérale sera immédiatement mise à l’épreuve alors qu’il gère non seulement les préoccupations commerciales, mais aussi les questions transfrontalières allant de la migration à la défense continentale.
Alors que les chaînes d’approvisionnement mondiales continuent d’évoluer en réponse aux tensions géopolitiques, le Canada fait face à une pression croissante pour diversifier ses relations commerciales tout en préservant un accès privilégié au marché américain. Cet équilibre délicat définira le mandat de Morrison et pourrait remodeler l’avenir économique du Canada.
La question qui se pose maintenant aux Canadiens est de savoir si l’expérience diplomatique de Morrison sera suffisante pour protéger les intérêts économiques vitaux à une époque où le commerce international est devenu de plus en plus politisé. Le Canada peut-il maintenir sa relation spéciale avec les États-Unis tout en se préparant simultanément à un avenir où le nationalisme économique pourrait devenir la nouvelle norme?