Lorsque les inondations ont ravagé le cœur agricole d’Abbotsford en 2021, détruisant les récoltes et déplaçant des milliers de personnes, l’entreprise logistique Horizon Supply Chain Solutions, basée à Vancouver, a vu ses opérations régionales s’arrêter complètement. Trois ans plus tard, l’entreprise a investi plus de 4,2 millions de dollars dans des infrastructures résilientes au climat—faisant partie d’une tendance croissante alors que les entreprises canadiennes font face à la dure réalité financière des changements climatiques.
“Nous ne pouvions tout simplement pas nous permettre un autre arrêt”, explique Miranda Chen, PDG d’Horizon. “Les investissements en adaptation que nous avons réalisés ne sont plus optionnels—ils sont devenus des coûts d’exploitation essentiels dans la réalité climatique d’aujourd’hui.”
Un rapport complet publié hier par l’Institut climatique du Canada révèle que les entreprises canadiennes allouent de plus en plus des portions substantielles de leurs budgets annuels aux mesures d’adaptation climatique. L’analyse de 500 entreprises de taille moyenne à grande montre que les dépenses moyennes d’adaptation climatique ont augmenté de 37% depuis 2021, avec des projections indiquant des augmentations supplémentaires jusqu’en 2026.
Le secteur des services financiers mène cette tendance, les grandes banques et compagnies d’assurance allouant en moyenne 5,3% de leurs dépenses en capital annuelles à la protection climatique de leurs opérations. La Banque TD a récemment annoncé un programme quinquennal de résilience climatique de 1,2 milliard de dollars, tandis que Manuvie a intégré l’évaluation des risques climatiques dans toutes ses évaluations de propriétés commerciales.
“Les institutions financières passent des modèles de risque théoriques aux décisions de dépenses pratiques”, affirme Dr. Amara Singh, auteure principale du rapport. “Elles intègrent le risque climatique dans leurs opérations parce qu’elles font face aux coûts en temps réel.”
Le secteur énergétique suit de près en matière de dépenses d’adaptation. Enbridge s’est engagé à investir 900 millions de dollars pour renforcer ses infrastructures contre les événements météorologiques extrêmes, tandis que les plus petites entreprises énergétiques déclarent allouer entre 3 et 4% de leurs budgets annuels à des mesures similaires.
Pour les petites et moyennes entreprises, les dépenses d’adaptation restent plus difficiles mais de plus en plus nécessaires. Le rapport a constaté que 62% des PME ont apporté au moins un changement opérationnel significatif en raison de préoccupations climatiques au cours des deux dernières années—allant de la relocalisation d’installations loin des plaines inondables à l’investissement dans des systèmes d’alimentation de secours.
Ce virage vers les dépenses d’adaptation représente un changement important dans la stratégie climatique des entreprises. Bien que la réduction des émissions reste importante, les entreprises se concentrent de plus en plus sur la protection de leur résultat face aux impacts climatiques déjà ressentis.
“Il y a cinq ans, les discussions climatiques des entreprises étaient presque exclusivement centrées sur l’atténuation—la réduction des émissions”, explique l’économiste climatique Dr. Laurent Bernier de l’Université de la Colombie-Britannique. “Aujourd’hui, les entreprises canadiennes ont des conversations plus nuancées sur la gestion des menaces climatiques immédiates pour leurs opérations.”
Cette tendance des dépenses coïncide avec les recherches du département CO24 Affaires montrant l’escalade des réclamations d’assurance liées au climat à travers le Canada. En 2023, les indemnisations d’assurance pour les événements météorologiques extrêmes ont dépassé 3,1 milliards de dollars—la troisième année la plus élevée jamais enregistrée—selon le Bureau d’assurance du Canada.
Le financement fédéral d’adaptation a stimulé une partie de ces dépenses des entreprises. La Stratégie nationale d’adaptation lancée en 2022 a alloué 1,6 milliard de dollars à la résilience des infrastructures, les partenariats public-privé représentant environ 40% des projets financés.
Cependant, le rapport identifie d’importantes disparités régionales dans les investissements d’adaptation. La Colombie-Britannique et le Québec sont en tête des dépenses d’adaptation des entreprises, tandis que les entreprises de l’Alberta et de la Saskatchewan sont à la traîne malgré des risques climatiques graves.
“Les provinces atlantiques présentent des écarts préoccupants dans l’adaptation du secteur privé”, note Singh. “Malgré les risques climatiques par habitant parmi les plus élevés au Canada, les dépenses d’adaptation des entreprises y sont environ la moitié de la moyenne nationale.”
Pour les investisseurs, les stratégies d’adaptation des entreprises deviennent un critère d’évaluation crucial. La Bourse de Toronto inclut désormais des recommandations de divulgation des risques climatiques, tandis que les grands investisseurs institutionnels comme l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada ont commencé à intégrer la planification de l’adaptation dans leurs décisions d’investissement.
Comme rapporté dans CO24 Dernières Nouvelles le mois dernier, l’adaptation climatique est devenue un enjeu déterminant dans la planification des entreprises canadiennes, de nombreuses entreprises effectuant désormais des évaluations spécialisées de vulnérabilité climatique pour identifier les domaines critiques d’investissement en infrastructure.
Le dernier développement de cette tendance est l’émergence de produits de financement d’adaptation spécialisés. RBC a lancé un programme de financement de résilience climatique offrant des taux préférentiels aux entreprises investissant dans des mesures de protection climatique, tandis que plusieurs caisses populaires régionales ont créé des programmes similaires adaptés aux petites entreprises.
Alors que les impacts climatiques s’intensifient, les dépenses d’adaptation devraient devenir une dépense commerciale standard plutôt qu’une initiative environnementale spécialisée. Avec les entreprises canadiennes dépensant déjà environ 12,7 milliards de dollars annuellement en mesures d’adaptation, le rapport projette que ce chiffre pourrait doubler d’ici 2030 à mesure que les impacts climatiques s’accélèrent.
“Nous entrons dans une ère où l’adaptation climatique n’est plus seulement une question de responsabilité environnementale—c’est une question de survie des entreprises”, conclut Chen. “Les entreprises qui ne s’adaptent pas ne feront pas seulement face à des coûts plus élevés; elles risquent de devenir fondamentalement non compétitives.”