Dans une décision marquante qui souligne l’évolution du système de protection des réfugiés au Canada, une famille afghane précédemment établie en Russie a obtenu le droit de rester au Canada après avoir démontré avec succès qu’elle faisait face à des menaces de conscription et à une extorsion systématique dans leur ancien pays de résidence.
La Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a tranché en faveur de la famille après avoir déterminé que leur renvoi en Russie—où ils avaient vécu pendant plus de vingt ans—les exposerait à de graves dangers dans le contexte du conflit ukrainien et de l’hostilité croissante envers les migrants d’Asie centrale.
“Cette affaire représente l’intersection complexe de multiples facteurs de déplacement auxquels les réfugiés font de plus en plus face dans notre monde interconnecté,” a déclaré l’avocate en immigration Samantha Chen, qui n’était pas directement impliquée dans l’affaire mais a traité des dossiers similaires. “De nombreux demandeurs d’asile aujourd’hui ne fuient pas seulement leur pays d’origine, mais aussi des pays d’établissement ultérieurs devenus hostiles.”
La famille, dont les identités restent protégées par les règles de confidentialité, a initialement fui l’Afghanistan à la fin des années 1990 pendant le régime des Talibans. Après avoir établi leur vie en Russie, ils se sont retrouvés dans une situation périlleuse lorsque Moscou a intensifié ses efforts de conscription militaire suite à l’invasion de l’Ukraine en 2022.
Les documents judiciaires révèlent que le patriarche de la famille a fait face à une pression croissante pour rejoindre les forces russes, tout en étant simultanément soumis à ce que la commission a décrit comme une “extorsion systématique” par la police ciblant les migrants d’Asie centrale. La famille est arrivée au Canada en 2022 et a immédiatement demandé la protection des réfugiés.
“Ce qui rend cette affaire particulièrement significative est la reconnaissance par la commission que le traitement des résidents d’Asie centrale par les autorités russes s’est considérablement détérioré depuis le début de la guerre en Ukraine,” a noté Dr. Elena Mikhailova, spécialiste de la migration post-soviétique à l’Université de Toronto. “Cela crée une double vulnérabilité pour des personnes qui avaient déjà été déplacées une fois auparavant.”
Cette décision intervient alors que le système canadien des réfugiés fait l’objet d’un examen accru concernant les délais de traitement et les critères d’admissibilité. Les données gouvernementales montrent que les demandes d’asile ont atteint des niveaux records, avec plus de 140 000 cas en attente au début de 2024.
Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a précédemment reconnu les défis auxquels le système est confronté, mais a maintenu que le Canada reste engagé dans ses obligations humanitaires. “Notre système de détermination du statut de réfugié continue d’offrir une protection à ceux qui en ont véritablement besoin tout en préservant l’intégrité de nos programmes d’immigration,” a déclaré Miller lors d’une récente conférence de presse.
Pour les groupes de défense, cette affaire représente un précédent important. “Cette décision reconnaît que la protection des réfugiés ne concerne pas seulement le pays d’origine,” a déclaré Omar Rahman du Conseil canadien pour les réfugiés. “Elle reconnaît que la persécution peut survenir dans des pays d’établissement temporaire, particulièrement en temps de conflit.”
La famille aura maintenant la possibilité de demander la résidence permanente, rejoignant environ 500 000 autres Afghans qui se sont réinstallés au Canada depuis 2001. Leur parcours reflète la crise mondiale des réfugiés complexe, où les individus font souvent face à de multiples déplacements avant de trouver une sécurité permanente.
Alors que le Canada continue de naviguer dans son rôle de protection internationale, des cas comme celui-ci soulèvent d’importantes questions : Comment notre système de réfugiés devrait-il s’adapter pour reconnaître les schémas de déplacement de plus en plus complexes qui caractérisent les flux migratoires modernes? Et quelle responsabilité avons-nous envers ceux pris entre plusieurs pays dangereux dans un monde de plus en plus instable?