Après près de cinq décennies de détours à travers des passages souterrains, les piétons pourront à nouveau traverser l’emblématique intersection de Portage et Main à Winnipeg en surface dès aujourd’hui. Cette réouverture historique marque l’aboutissement d’un débat controversé qui a divisé les résidents et les responsables municipaux depuis l’installation des barrières en 1979.
“Il ne s’agit pas seulement d’enlever des barrières en béton, mais d’éliminer les obstacles à la croissance et à l’identité de notre ville,” a déclaré le maire Scott Gillingham lors de la conférence de presse d’hier. “Portage et Main est le cœur de Winnipeg, et aujourd’hui ce cœur recommence à battre avec une nouvelle vitalité.”
L’intersection, souvent appelée le coin le plus venteux du Canada, était interdite aux piétons depuis qu’un accord controversé entre la ville et les propriétaires adjacents avait rendu obligatoires les passages souterrains. L’entente de 40 ans, qui a expiré en 2019, avait été initialement prolongée pendant que le conseil municipal débattait des avantages des traversées en surface.
Selon les récents sondages du département des Nouvelles du Canada, l’opinion publique a considérablement évolué depuis 2018, quand les Winnipégois avaient voté contre la réouverture de l’intersection lors d’un plébiscite. Les enquêtes actuelles montrent que 62% des résidents soutiennent maintenant ce changement, avec un appui plus marqué chez les jeunes générations et les propriétaires de commerces du centre-ville.
Le projet de 3,8 millions de dollars comprend des passages piétons améliorés avec des caractéristiques d’accessibilité, des brise-vent et des installations artistiques qui célèbrent l’importance de l’intersection dans l’histoire canadienne. Les ingénieurs de la circulation ont mis en place une synchronisation sophistiquée des feux pour minimiser l’impact sur les quelque 77 000 véhicules qui y passent chaque jour.
“Nous avons étudié des modèles d’intégration piétonnière réussis à Montréal, Chicago et Helsinki,” a expliqué l’urbaniste Celia Zhang. “Nos données suggèrent que l’impact sur la circulation sera minime—environ 90 secondes ajoutées aux temps de trajet aux heures de pointe—tandis que les avantages économiques pour les entreprises du centre-ville pourraient dépasser 12 millions de dollars par an.”
La Chambre de commerce de Winnipeg prévoit une augmentation de 15% de l’achalandage piétonnier dans les commerces environnants, ce qui pourrait inverser la tendance des locaux vacants au centre-ville qui préoccupe la ville depuis la pandémie. Selon l’analyse de CO24 Affaires, des réaménagements urbains similaires dans des villes comparables ont entraîné des augmentations de valeur immobilière de 8 à 12% en trois ans.
Les critiques, dont l’Association des conducteurs du Manitoba, maintiennent leurs préoccupations concernant la congestion routière et la sécurité hivernale. “Nous respectons la décision mais restons sceptiques quant à la fonctionnalité lors des journées à -30°C avec d’importantes chutes de neige,” a déclaré le porte-parole James Kowalchuk. “Le temps nous dira si cela devient un espace piétonnier dynamique ou simplement un passage que les gens n’utilisent que lorsque c’est absolument nécessaire.”
La cérémonie de réouverture commence à midi avec des aînés autochtones qui effectueront une cérémonie de bénédiction, suivie d’une marche communautaire à travers les quatre passages piétons. Musiciens locaux, vendeurs de nourriture et expositions historiques animeront l’intersection tout au long du week-end.
“Cette intersection raconte notre histoire en tant que ville—où les commerçants de fourrures se rencontraient, où les grèves générales ont changé l’histoire du travail, où nos rues principales se rejoignent,” a noté Teresa McKenzie, défenseure de la préservation du patrimoine. “Permettre aux gens d’expérimenter cet espace directement nous reconnecte avec notre histoire commune.”
Alors que les villes canadiennes privilégient de plus en plus l’aménagement urbain favorable aux piétons, la décision de Winnipeg représente un changement significatif dans la façon dont les municipalités équilibrent l’efficacité véhiculaire avec les environnements à échelle humaine. Le projet a été suivi de près par les urbanistes de toute l’Amérique du Nord comme une étude de cas sur l’inversion des décisions d’infrastructure centrées sur l’automobile.
Alors que les barrières de béton sont démontées et que les piétons se préparent à fouler ce carrefour historique, la question demeure: cette réouverture transformera-t-elle fondamentalement le centre-ville de Winnipeg, ou deviendra-t-elle simplement un autre chapitre dans la négociation continue entre véhicules et piétons dans nos paysages urbains en évolution?