Dans un moment décisif pour les exportations énergétiques canadiennes, le premier chargement de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de l’imposante installation LNG Canada à Kitimat, en Colombie-Britannique, est parti cette semaine vers les marchés asiatiques. Cette étape historique, fruit de plusieurs années de développement et d’un investissement de plus de 40 milliards de dollars, marque l’entrée officielle du Canada sur le marché mondial du GNL en tant que fournisseur majeur.
Le gigantesque navire méthanier, chargé de gaz naturel refroidi et transformé en forme liquide, a quitté le terminal de la côte nord de la C.-B. sous les célébrations des parties prenantes du projet et des représentants gouvernementaux. Cette première cargaison est destinée aux marchés asiatiques, où la demande de combustibles de transition plus propres continue de croître au milieu des efforts visant à réduire la dépendance au charbon.
“Cela représente un moment transformateur pour le secteur énergétique canadien,” a déclaré Jason Kearns, économiste spécialisé en énergie à l’Université de Calgary. “Après des années de planification et de construction, le Canada a finalement rejoint les grands exportateurs mondiaux de GNL comme l’Australie, le Qatar et les États-Unis pour approvisionner les marchés asiatiques en gaz naturel.”
Le projet LNG Canada, une coentreprise dirigée par Shell avec des partenaires incluant Petronas, PetroChina, Mitsubishi et Korea Gas, a fait face à de nombreux défis depuis sa décision finale d’investissement en 2018. Les efforts de réconciliation avec les Autochtones, les préoccupations environnementales et les retards de construction liés à la pandémie ont tous menacé de faire dérailler cette entreprise colossale à différents moments.
Les responsables provinciaux se sont empressés de souligner les avantages économiques. Le projet a créé plus de 10 000 emplois dans la construction et devrait soutenir environ 400 à 450 postes permanents opérationnels. Les recettes fiscales annuelles provenant de l’installation devraient atteindre des centaines de millions de dollars pour les différents paliers de gouvernement.
“Ce projet démontre qu’avec une consultation adéquate et des garanties environnementales, le Canada peut développer ses ressources naturelles de manière responsable tout en créant d’importantes opportunités économiques,” a déclaré le premier ministre de la C.-B., David Eby, lors du départ cérémonial du premier envoi.
Les groupes environnementaux, cependant, continuent de soulever des préoccupations concernant les émissions de gaz à effet de serre du projet et sa compatibilité avec les engagements climatiques du Canada. Bien que le gaz naturel produise nettement moins d’émissions que le charbon lorsqu’il est brûlé, l’extraction et le traitement du gaz libèrent du méthane, un puissant gaz à effet de serre.
“Les émissions de cette installation à elle seule rendront presque impossible pour la Colombie-Britannique d’atteindre ses objectifs climatiques,” a déclaré Claire Thompson du Réseau Action Climat. “Nous devons effectuer une transition complète des combustibles fossiles, pas construire de nouvelles infrastructures d’exportation avec des durées de vie opérationnelles de plusieurs décennies.”
Les analystes de l’industrie notent que l’entrée du Canada sur le marché mondial du GNL survient alors que la concurrence s’intensifie. Le Qatar et les États-Unis ont considérablement augmenté leurs capacités d’exportation ces dernières années, tandis que la croissance de la demande dans les principaux marchés asiatiques comme la Chine a ralenti par rapport aux projections antérieures.
Néanmoins, des contrats d’approvisionnement à long terme soutiennent le projet LNG Canada, offrant une certaine protection contre la volatilité du marché. Le Japon et la Corée du Sud, deux des plus grands importateurs mondiaux de GNL, restent engagés envers le gaz naturel comme combustible de transition alors qu’ils travaillent à réduire leur dépendance au charbon.
Pour le Canada, qui cherche depuis longtemps à diversifier ses exportations énergétiques au-delà des États-Unis, cet envoi représente l’aboutissement d’un virage stratégique en préparation depuis des années. Le pays possède de vastes réserves de gaz naturel mais a historiquement manqué d’infrastructures pour atteindre les marchés d’outre-mer.
“Cette première cargaison est symbolique du rôle changeant du Canada sur les marchés énergétiques mondiaux,” a noté Samantha Reynolds, directrice à l’Institut canadien de recherche énergétique. “Il ne s’agit pas seulement des volumes exportés, mais d’établir de nouvelles relations commerciales et de positionner les ressources canadiennes sur des marchés en croissance clés.”
Alors que le Canada navigue dans l’équilibre complexe entre le développement énergétique et les engagements climatiques, le succès du projet LNG Canada influencera probablement les décisions concernant d’autres installations d’exportation proposées le long de la côte de la Colombie-Britannique. Pour l’instant, les participants de l’industrie célèbrent cette étape tout en gardant un œil attentif sur l’évolution des conditions du marché et des exigences réglementaires.
La question demeure : l’entrée tardive du Canada sur le marché mondial du GNL s’avérera-t-elle une diversification stratégique bien chronométrée, ou la fenêtre d’opportunité s’est-elle rétrécie alors que le monde accélère sa transition vers les sources d’énergie renouvelables?