La nouvelle proposition radicale du gouvernement ontarien visant à contrôler l’accès à l’électricité pour les centres de données a provoqué une onde de choc dans l’industrie technologique et soulevé d’importantes questions sur l’avenir énergétique de la province. L’administration du premier ministre Doug Ford a dévoilé hier cette mesure controversée, invoquant des préoccupations concernant la stabilité du réseau face à la croissance explosive des installations informatiques énergivores à travers la province.
“Nous assistons à une demande sans précédent sur notre infrastructure électrique,” a déclaré le ministre de l’Énergie Todd Smith lors de l’annonce d’hier à Queen’s Park. “Bien que nous accueillions favorablement les investissements technologiques, nous devons nous assurer que les foyers et entreprises de l’Ontario ne se retrouvent pas dans le noir parce que les centres de données consomment des ressources énergétiques disproportionnées.”
La législation proposée accorderait à la province des pouvoirs extraordinaires pour déterminer quels centres de données reçoivent des connexions électriques et sous quelles conditions. Les analystes de l’industrie notent que cela représente un écart significatif par rapport à l’approche axée sur le marché qui a historiquement gouverné le système de distribution d’électricité de l’Ontario.
Selon les recherches de CO24 Business, les centres de données consomment actuellement environ 2,5% de la production totale d’électricité de l’Ontario, mais ce chiffre pourrait tripler d’ici 2030 selon les projections de croissance actuelles. La nature énergivore de ces installations – qui alimentent tout, du cloud computing aux applications d’intelligence artificielle – pose des défis uniques pour la gestion du réseau.
Les critiques, y compris l’Association de la technologie de l’information du Canada, ont exprimé des inquiétudes concernant un potentiel abus de pouvoir. “Bien que nous comprenions la nécessité d’une gestion responsable de l’énergie, donner aux fonctionnaires gouvernementaux l’autorité unilatérale de déterminer quels investissements technologiques peuvent se poursuivre crée une incertitude dangereuse,” a déclaré Maya Richardson, directrice exécutive de l’association.
Le moment choisi pour cette proposition de politique coïncide avec la lutte plus large de l’Ontario pour équilibrer des priorités concurrentes dans son système électrique. La province élimine progressivement la production de gaz naturel tout en faisant face à une demande accrue due à l’adoption des véhicules électriques et à la croissance manufacturière, comme l’a précédemment rapporté CO24 Canada.
Les groupes environnementaux ont offert un soutien prudent, voyant la mesure comme potentiellement bénéfique pour la réduction des émissions. “Si elle est mise en œuvre de manière réfléchie, la priorisation des centres de données qui s’engagent envers les énergies renouvelables pourrait accélérer notre transition énergétique propre,” a expliqué Julian West, porte-parole de Climate Action Ontario.
Pour les municipalités qui accueillent ou courtisent le développement de centres de données, l’annonce crée une incertitude significative. La mairesse Samantha Chen de Milton, où trois grands centres de données étaient prévus, a exprimé sa frustration : “Les communautés ont besoin de prévisibilité. Cela introduit un nouvel obstacle d’approbation qui pourrait faire dérailler des années de travail en développement économique.”
Le gouvernement Ford a souligné que la politique vise à assurer une distribution équitable des ressources électriques plutôt qu’à décourager les investissements technologiques. “L’Ontario reste ouvert aux affaires,” a insisté le ministre du Développement économique Vic Fedeli. “Nous nous assurons simplement que notre infrastructure critique peut soutenir une croissance durable dans tous les secteurs.”
Les experts de l’industrie prédisent que la mesure pourrait involontairement bénéficier aux juridictions voisines comme le Québec et l’État de New York, qui pourraient attirer des investissements de centres de données recherchant une plus grande certitude réglementaire. La proposition survient au milieu d’une course nord-américaine pour capturer les bénéfices économiques de l’intelligence artificielle et de l’infrastructure de cloud computing.
Alors que les législateurs provinciaux se préparent à débattre de la mesure dans les semaines à venir, la question fondamentale demeure : le gouvernement peut-il efficacement équilibrer le progrès technologique avec les limitations d’infrastructure, ou les considérations politiques détermineront-elles ultimement quelles entreprises numériques prospéreront en Ontario? La réponse pourrait remodeler le paysage technologique de la province pour les décennies à venir.