La tradition autrefois florissante des Canadiens qui affluaient vers les États-Unis pour faire des achats connaît un ralentissement important, les nouvelles données révélant une forte baisse des dépenses transfrontalières. Selon des statistiques récemment publiées, les dépenses canadiennes aux États-Unis ont chuté à des niveaux jamais vus depuis des décennies, marquant un changement fondamental dans un modèle de consommation bien établi.
“Nous assistons à un renversement complet des tendances historiques,” explique Dr. Elaine Moreau, économiste à l’École de commerce mondial de l’Université de Toronto. “Ce qui représentait autrefois un flux annuel de 20 milliards de dollars canadiens vers le commerce de détail américain s’est contracté de près de 40% depuis les niveaux pré-pandémiques.”
Ce déclin provient d’une interaction complexe de facteurs économiques. Le dollar canadien affaibli, oscillant autour de 73 cents américains, a considérablement diminué le pouvoir d’achat des Canadiens qui se aventurent au sud. Ce désavantage monétaire a essentiellement effacé de nombreux avantages de prix traditionnels qui rendaient autrefois le magasinage transfrontalier si attrayant.
L’inflation a davantage compliqué les choses, faisant grimper les coûts des deux côtés de la frontière mais frappant particulièrement durement les acheteurs canadiens lorsqu’elle est combinée au défi du taux de change. Les biens de consommation de base qui représentaient autrefois des économies substantielles lorsqu’achetés aux États-Unis coûtent maintenant souvent plus cher que leurs équivalents canadiens une fois la conversion monétaire prise en compte.
Les données montrent un déclin particulièrement prononcé des traversées frontalières d’une journée, traditionnellement l’épine dorsale de l’activité de magasinage transfrontalier. Burlington, Vermont et Buffalo, New York – autrefois destinations de fin de semaine pour les acheteurs de Montréal et Toronto respectivement – ont signalé des baisses de visiteurs dépassant 30% par rapport aux chiffres de 2019.
“L’économie n’a tout simplement plus de sens pour de nombreux produits,” note l’analyste du commerce de détail James Wilson. “Quand on tient compte de l’essence, du temps, et maintenant potentiellement des prix plus élevés, l’incitation a disparu pour tous les articles sauf ceux de spécialité qui restent significativement moins chers ou indisponibles au Canada.”
Ce changement se répercute dans les communautés frontalières qui ont historiquement compté sur les acheteurs canadiens. The Outlet Collection à Niagara, par exemple, a signalé une diminution de 25% des transactions par carte de crédit canadiennes par rapport aux niveaux pré-pandémiques, forçant les détaillants à adapter leurs stratégies.
Cependant, la tendance va au-delà des simples calculs économiques. La pandémie de COVID-19 a fondamentalement modifié les comportements d’achat, accélérant l’adoption du commerce électronique parmi les Canadiens et réduisant le besoin perçu de déplacements physiques transfrontaliers. De nombreux consommateurs ont découvert que les achats en ligne pouvaient offrir des économies comparables sans les tracas des traversées frontalières.
“La pandémie a créé de nouvelles habitudes de consommation qui ont persisté,” explique la spécialiste du comportement des consommateurs Dr. Sarah Chen. “De nombreux Canadiens qui se sont tournés vers les achats en ligne ont simplement maintenu ces habitudes, constatant qu’ils peuvent accéder aux détaillants américains numériquement sans traverser la frontière.”
Cette évolution a suscité des réponses significatives des détaillants canadiens, dont beaucoup ont historiquement lutté pour concurrencer les prix américains. Les grandes chaînes de détail canadiennes ont mis en œuvre des stratégies de prix plus agressives et élargi leur présence en ligne pour retenir les clients qui auraient pu auparavant magasiner aux États-Unis.
Il y a également des implications notables pour les revenus du gouvernement canadien. Le déclin du magasinage transfrontalier a entraîné moins de marchandises importées sans déclaration appropriée, augmentant potentiellement la conformité fiscale et la perception des droits à un moment où les budgets fédéraux sont sous pression.
Pour les communautés frontalières au Canada, la tendance représente une opportunité économique potentielle, avec des détaillants locaux signalant des augmentations modestes d’activité alors que les consommateurs restent plus près de chez eux. Windsor, Ontario, qui a traditionnellement connu d’importantes fuites commerciales vers Detroit, a observé une augmentation de 15% des ventes au détail locales au cours des deux dernières années.
Alors que les conditions économiques continuent d’évoluer, la question demeure de savoir si cela représente un changement permanent dans le comportement des consommateurs canadiens ou simplement une réponse temporaire aux conditions économiques actuelles. Le magasinage transfrontalier reviendra-t-il aux niveaux précédents si le dollar canadien se renforce, ou un changement fondamental du comportement des consommateurs s’est-il produit qui remodelera les modèles de vente au détail pour les années à venir?