La perception des États-Unis comme menace potentielle pour le Canada a connu un changement spectaculaire, avec le pourcentage de Canadiens nourrissant de telles préoccupations qui a triplé ces dernières années, selon un nouveau sondage d’opinion publique. Cette transformation frappante des attitudes canadiennes envers leur voisin du sud signale un profond réalignement dans la relation traditionnellement étroite entre les deux nations.
L’enquête, menée par un institut de recherche canadien de premier plan, révèle que près de 30 pour cent des Canadiens considèrent maintenant les États-Unis comme une menace significative pour la sécurité—une hausse par rapport à seulement 10 pour cent il y a cinq ans. Cette augmentation dramatique traverse les frontières démographiques, bien qu’elle semble plus prononcée chez les jeunes Canadiens et ceux résidant dans les centres urbains.
“Nous assistons à un changement sans précédent dans la façon dont les Canadiens perçoivent leur relation avec les États-Unis,” explique Dre Elaine Thompson, professeure de relations internationales à l’Université de Toronto. “Les données historiques montrent que les Canadiens ont généralement considéré les États-Unis comme leur allié le plus proche et partenaire essentiel, mais ces résultats suggèrent une recalibration fondamentale de cette perspective.”
Le sondage identifie plusieurs facteurs clés qui motivent ce changement de sentiment. Les tensions commerciales, y compris les différends tarifaires et les renégociations conflictuelles de l’ALENA, ont érodé la confiance économique. La polarisation politique aux États-Unis a soulevé des inquiétudes quant à la stabilité de la gouvernance, avec 68 pour cent des répondants exprimant leur préoccupation concernant les effets de débordement potentiels sur la politique canadienne.
La divergence des politiques climatiques entre les deux nations est apparue comme un autre facteur important. “Le décalage des politiques environnementales est devenu de plus en plus problématique pour de nombreux Canadiens qui priorisent l’action climatique,” note l’analyste de politique environnementale Martin Chen. “Quand la plus grande économie mondiale et votre voisin le plus proche se déplace dans une direction différente sur des enjeux existentiels comme le changement climatique, cela crée naturellement des tensions.”
La recherche révèle également des variations régionales dans ces perceptions. Les provinces atlantiques, historiquement dépendantes du commerce transfrontalier, montrent les niveaux d’inquiétude les plus bas, tandis que le Québec et la Colombie-Britannique démontrent les niveaux d’appréhension les plus élevés concernant l’influence américaine sur les affaires canadiennes.
Les données économiques soulignent la complexité de la relation. Malgré les préoccupations croissantes, le commerce bilatéral entre le Canada et les États-Unis a atteint 718,4 milliards de dollars en 2021, soutenant des millions d’emplois dans les deux pays. Cette interdépendance économique crée un équilibre délicat où les préoccupations de sécurité existent aux côtés de partenariats économiques vitaux.
Les experts en sécurité mettent en garde contre la simplification excessive de ces résultats. “Cela ne signifie pas que les Canadiens voient soudainement les États-Unis comme un adversaire,” précise l’ancienne conseillère diplomatique Rebecca Martinez. “Il s’agit plutôt d’un reflet de l’incertitude croissante quant à la fiabilité des alliances traditionnelles dans un paysage mondial de plus en plus imprévisible.”
Les résultats du sondage ont des implications significatives pour les relations diplomatiques et les affaires mondiales. Les responsables gouvernementaux canadiens ont répondu en soulignant la force durable des liens bilatéraux tout en reconnaissant la nécessité de répondre aux préoccupations émergentes. Les analystes de politique étrangère suggèrent que ce changement pourrait accélérer les efforts du Canada pour diversifier ses partenariats internationaux et adopter des positions plus indépendantes sur les questions mondiales.
Alors que les deux nations naviguent dans ces perceptions en évolution, une question cruciale émerge : le Canada peut-il maintenir sa relation économique essentielle avec les États-Unis tout en poursuivant simultanément une plus grande autonomie et en se protégeant contre l’instabilité potentielle de l’autre côté de la frontière?