L’industrie pharmaceutique canadienne fait face à des turbulences sans précédent alors que la proposition de l’ancien président Donald Trump d’imposer un tarif colossal de 200 pour cent sur les médicaments importés provoque des ondes de choc dans le secteur. Lors d’un rassemblement électoral au Michigan hier, Trump a exposé sa vision visant à réduire la dépendance américaine aux produits pharmaceutiques étrangers, ciblant particulièrement les importations canadiennes dans son programme de politique protectionniste.
“L’incertitude créée par ces tarifs proposés ne pourrait pas tomber à un pire moment,” explique Dre Melissa Chen, directrice générale de l’Association pharmaceutique canadienne. “Notre industrie venait tout juste de se stabiliser après les perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées à la pandémie, et ceci menace d’anéantir des années de coopération transfrontalière.”
Le secteur pharmaceutique canadien, évalué à environ 28,5 milliards de dollars annuellement, dépend fortement de son voisin du sud, avec plus de 65 pour cent des médicaments fabriqués traversant la frontière vers les marchés américains. Les analystes de l’industrie prévoient des pertes potentielles dépassant 7 milliards de dollars dès la première année si ces tarifs se concrétisent, pouvant éliminer des milliers d’emplois spécialisés dans les installations de fabrication en Ontario et au Québec.
Les tarifs proposés représentent plus que de simples défis économiques pour les fabricants canadiens. Selon une récente analyse de CO24 Business, les petites entreprises pharmaceutiques canadiennes font face à des menaces existentielles, manquant de réserves de capital pour résister à une perturbation prolongée du marché. Pendant ce temps, les grandes sociétés ont déjà commencé à explorer des plans d’urgence, y compris des relocalisations potentielles de fabrication pour contourner les barrières tarifaires.
Les économistes de la santé préviennent que les effets d’entraînement pourraient s’étendre au-delà des profits de l’industrie pour affecter directement les patients canadiens. “Lorsque les entreprises pharmaceutiques font face à des déficits de revenus soudains, les initiatives de recherche sont généralement les premières victimes,” note Dr James Wilson, économiste de la santé à l’Université de Toronto. “Nous envisageons des retards potentiels dans les pipelines de développement pour les traitements servant actuellement les patients canadiens atteints de maladies rares et chroniques.”
Les ministres provinciaux de la santé ont demandé des consultations d’urgence avec les responsables fédéraux pour évaluer les impacts potentiels sur l’accessibilité et les prix des médicaments. Les projections internes du gouvernement suggèrent que certains médicaments spécialisés pourraient connaître des augmentations de prix domestiques entre 15 et 30 pour cent alors que les fabricants tentent de compenser les pertes du marché américain.
Le moment s’avère particulièrement difficile car la proposition survient en pleine négociation entre Ottawa et Washington concernant les mises à jour des dispositions pharmaceutiques au sein de l’accord commercial ACEUM. La ministre du Commerce Anita Reynolds a décrit la situation comme “préoccupante mais pas encore définitive,” ajoutant que les diplomates canadiens s’engagent activement auprès de leurs homologues à Washington pour souligner la nature profondément intégrée des chaînes d’approvisionnement pharmaceutiques nord-américaines.
Les représentants de l’industrie se sont rapidement mobilisés, établissant la Coalition de défense pharmaceutique canadienne pour coordonner les efforts de plaidoyer. La coalition a publié hier des données démontrant comment les consommateurs américains feraient face à des augmentations de prix moyennes de 47 pour cent sur les médicaments couramment prescrits si des barrières tarifaires perturbaient les relations d’approvisionnement établies.
“Ce qui est souvent négligé dans ces discussions, c’est l’élément humain,” explique Dre Sarah Patel, qui étudie la politique pharmaceutique à l’Université McGill. “Quand la rhétorique politique se transforme en politique commerciale, ce sont finalement les patients des deux côtés de la frontière qui en subissent les conséquences par un accès réduit et des coûts plus élevés.”
Alors que les marchés absorbent ce changement potentiel dans la dynamique du commerce mondial, les valeurs boursières pharmaceutiques reflètent déjà l’anxiété des investisseurs. L’indice pharmaceutique S&P/TSX a chuté de 6,8 pour cent hier, représentant la baisse la plus importante en une journée depuis mars 2020.
Le gouvernement fédéral a promis une stratégie de réponse complète d’ici deux semaines, incluant des mesures de soutien potentielles pour les segments vulnérables de l’industrie. Entre-temps, les dirigeants politiques canadiens de tous les partis se sont unis en opposition aux tarifs proposés, les caractérisant comme nuisibles à l’écosystème intégré des soins de santé nord-américain.
Alors que cette situation évolue, une question cruciale émerge : est-ce que des décennies de coopération pharmaceutique transfrontalière soigneusement cultivée pourront résister aux pressions croissantes du nationalisme économique, ou sommes-nous témoins du début d’une restructuration fondamentale des chaînes d’approvisionnement des soins de santé nord-américaines?