Dans une décision controversée qui a déclenché un vif débat à travers le Québec, le gouvernement provincial a annoncé son intention de prolonger les heures de vente d’alcool dans les succursales de la SAQ jusqu’à 23h, provoquant une réaction immédiate des défenseurs de la santé publique et des partis d’opposition. Cette décision, révélée lors de la séance parlementaire de mardi, représente un changement significatif par rapport à la politique actuelle de fermeture à 21h qui est en vigueur depuis des décennies.
“Prolonger les heures d’ouverture de la SAQ n’est pas simplement une question de commodité—c’est un enjeu de santé publique qui mérite une réflexion approfondie,” a déclaré Dre Marie Lapointe, directrice de l’Association de santé publique du Québec, lors d’une entrevue exclusive. “Les données établissant un lien entre l’augmentation de la disponibilité de l’alcool et des taux plus élevés de consommation et de méfaits associés sont substantielles et préoccupantes.”
Cette proposition s’inscrit dans le cadre d’un plan de relance économique plus large visant à stimuler les ventes au détail dans toute la province. Le ministre des Finances Jean Tremblay a défendu cette initiative, citant des avantages économiques potentiels d’environ 45 millions de dollars par année et la création d’environ 350 emplois à l’échelle provinciale.
“Nous avons soigneusement analysé des politiques similaires dans d’autres juridictions et nous croyons que ce changement établit un juste équilibre entre la commodité pour les consommateurs et une réglementation responsable,” a affirmé Tremblay lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale.
Cependant, l’annonce a suscité de vives critiques de la part de Québec Solidaire, qui a qualifié cette prolongation de menace directe pour la santé publique. Le co-porte-parole du parti, Gabriel Nadeau-Dubois, a souligné les recherches du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances indiquant que l’alcool est lié à près de 7 000 décès annuellement au pays.
“Quand ce gouvernement reconnaîtra-t-il que l’alcool n’est pas un produit ordinaire?” a questionné Nadeau-Dubois pendant la période de questions. “Tous les experts en santé publique vous diront qu’augmenter l’accessibilité mène à une consommation accrue et, par conséquent, à davantage de problèmes sociaux et de santé.“
Le moment choisi pour cette annonce a soulevé des questions parmi les analystes politiques, survenant quelques mois seulement avant une élection provinciale et alors que les cotes d’approbation du gouvernement actuel sont en baisse. Certains critiques suggèrent que cette décision pourrait être motivée par des considérations politiques plutôt que par des données probantes.
Pendant ce temps, les spécialistes en dépendance ont exprimé leur inquiétude quant aux conséquences potentielles. Le Dr Philippe Couillard, ancien directeur des services en dépendance à l’Hôpital général de Montréal, a souligné que les hospitalisations liées à l’alcool coûtent déjà environ 240 millions de dollars par année au système de santé québécois.
“Nous observons déjà des tendances préoccupantes dans les habitudes de consommation d’alcool depuis la pandémie,” a expliqué Couillard. “Prolonger les heures de disponibilité va à l’encontre de toutes les recommandations de santé publique visant à réduire les méfaits liés à l’alcool.”
L’Association des directeurs de santé publique du Québec a publié des données démontrant que les régions où l’alcool est plus accessible présentent systématiquement des taux plus élevés de visites aux urgences liées à l’alcool, d’incidents de violence conjugale et d’arrestations pour conduite avec facultés affaiblies.
Fait intéressant, la réaction des consommateurs est mitigée. Un récent sondage mené par Léger Marketing a révélé que si 56% des Québécois sont favorables à l’extension des heures, 72% se disent préoccupés par les impacts potentiels sur la santé publique, ce qui suggère une relation complexe entre le désir de commodité et les considérations de santé.
Le Syndicat des travailleurs de la SAQ a également exprimé son opposition, citant des préoccupations concernant la sécurité des employés pendant les quarts de travail tardifs et remettant en question si les avantages économiques projetés justifient les coûts sociaux potentiels. Des représentants syndicaux doivent rencontrer des responsables gouvernementaux la semaine prochaine pour discuter des défis de mise en œuvre.
Alors que le débat s’intensifie à travers la province, les professionnels de la santé exhortent les décideurs à reconsidérer leur décision ou, au minimum, à mettre en place un suivi complet des impacts si la prolongation se concrétise. Le gouvernement a promis des consultations publiques supplémentaires avant de finaliser les détails de la mise en œuvre, prévue pour début 2026.
Alors que le Québec navigue dans ce virage politique controversé, une question fondamentale émerge : en équilibrant les intérêts économiques et les préoccupations de santé publique, quel prix sommes-nous prêts à payer pour une commodité accrue, et qui, ultimement, assume le coût de ces décisions?