Les couloirs du pouvoir à Ottawa font face à un changement dramatique dans les priorités des Canadiens, alors que les citoyens délaissent progressivement les préoccupations environnementales au profit de la stabilité économique. Selon de récentes données de sondage, les Canadiens ont considérablement rétrogradé le changement climatique dans l’échelle des priorités nationales—un virage marqué par rapport à l’accent mis sur l’environnement qui dominait le discours public ces dernières années.
“Nous assistons à l’un des changements les plus profonds de l’opinion publique canadienne depuis une décennie,” explique Dr. Elaine Morrow, politologue à l’Université de Toronto. “Les inquiétudes économiques ont essentiellement dépassé les préoccupations environnementales dans la conscience nationale.”
L’enquête exhaustive, menée par Nanos Research dans toutes les provinces, révèle que seulement 8% des Canadiens classent désormais le changement climatique comme leur priorité absolue—une baisse vertigineuse par rapport aux années précédentes où les préoccupations environnementales figuraient régulièrement en tête des sondages nationaux. Pendant ce temps, les questions économiques, notamment l’inflation, l’accessibilité au logement et la sécurité d’emploi, dominent collectivement les préoccupations de près de 60% des répondants.
Ce changement coïncide avec les défis persistants de l’inflation au Canada et un marché immobilier qui demeure inaccessible pour beaucoup. Le ménage canadien moyen consacre maintenant environ 43% de son revenu disponible aux dépenses liées au logement—un chiffre qui n’a cessé d’augmenter depuis 2021, selon Statistique Canada.
“Les Canadiens n’abandonnent pas leurs valeurs environnementales,” souligne Michael Chen, économiste principal à la Banque Royale du Canada. “Ils redéfinissent simplement leurs priorités en fonction des pressions financières immédiates. Quand les gens ont du mal à se payer l’épicerie ou le logement, les préoccupations à plus long terme passent inévitablement au second plan.”
Ces données placent le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau dans une position précaire. Ayant misé un capital politique important sur des initiatives climatiques, y compris le controversé programme de taxe carbone, l’administration fait maintenant face à un électorat de plus en plus concentré sur le soulagement économique plutôt que sur l’action environnementale.
Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a rapidement capitalisé sur ce changement, en mettant l’accent sur les questions d’accessibilité financière dans ses récents messages politiques. “Les Canadiens s’expriment clairement—ils veulent un gouvernement qui priorise leur bien-être financier,” a déclaré Poilievre lors d’une récente conférence de presse à Calgary.
Les gouvernements provinciaux à travers le Canada ont également réagi à ce nouveau paysage. Le budget provincial de la Colombie-Britannique, publié le mois dernier, a alloué considérablement plus de ressources aux programmes d’accessibilité au logement tout en réduisant certaines initiatives climatiques. L’Alberta et la Saskatchewan continuent de plaider pour l’expansion du secteur énergétique, citant les avantages économiques et la création d’emplois.
Les défenseurs du climat expriment leur inquiétude face à cette redéfinition des priorités qui pourrait faire dérailler les engagements environnementaux du Canada. “Une vision économique à court terme pourrait compromettre notre durabilité environnementale à long terme,” avertit Emma Thompson du Réseau Action Climat Canada. “Le défi consiste à trouver des approches politiques qui répondent aux préoccupations économiques immédiates sans abandonner les objectifs climatiques essentiels.”
Ce changement semble particulièrement prononcé chez les jeunes Canadiens, traditionnellement le groupe démographique le plus préoccupé par le changement climatique. Parmi les répondants âgés de 18 à 34 ans, les préoccupations économiques dépassent maintenant les questions environnementales dans une proportion de près de trois contre un—un renversement par rapport aux enquêtes similaires menées en 2021.
Les experts financiers suggèrent que cette tendance pourrait se poursuivre alors que les taux d’intérêt restent élevés et que les pressions sur le logement persistent tout au long de 2024. “L’anxiété économique que nous mesurons n’est pas temporaire—elle reflète des défis structurels dans l’économie canadienne qui nécessitent une intervention politique substantielle,” explique Raj Singh, économiste en chef chez BMO Marchés des capitaux.
Alors que les gouvernements fédéral et provinciaux recalibrent leurs approches politiques en réponse à ce changement d’opinion, une question fondamentale émerge : le Canada peut-il développer une approche intégrée qui répond aux pressions économiques immédiates tout en maintenant l’élan sur l’action climatique, ou ces priorités seront-elles de plus en plus considérées comme des préoccupations concurrentes plutôt que complémentaires?