Dans un paysage immobilier canadien de plus en plus fragmenté, les acheteurs et vendeurs vivent des conditions de marché radicalement différentes selon leur lieu de résidence. Le dernier rapport immobilier de la Banque Royale du Canada révèle un contraste saisissant à travers le pays, certaines régions étant fermement en territoire d’acheteurs tandis que d’autres continuent de favoriser les vendeurs—créant ce que les analystes appellent un “marché à deux vitesses”.
“Ce que nous observons n’est pas simplement un refroidissement ou un réchauffement national du marché, mais plutôt une divergence régionale complexe qui défie toute caractérisation simple,” explique Samantha Chen, économiste principale à RBC. “L’époque où l’on parlait d’un seul ‘marché immobilier canadien’ est peut-être révolue.”
Selon cette analyse approfondie, des marchés comme Edmonton, Calgary et certaines parties du Canada atlantique maintiennent de solides avantages pour les vendeurs, avec des propriétés se vendant fréquemment au-dessus du prix demandé et souvent quelques jours après leur mise en vente. Calgary en particulier a vu les prix médians des maisons augmenter de 7,2% sur un an, avec une propriété moyenne passant seulement 16 jours sur le marché—près de la moitié de la moyenne nationale.
La dynamique immobilière à Vancouver et Toronto raconte une histoire nettement différente. Ces marchés autrefois en surchauffe ont basculé résolument en faveur des acheteurs, avec des niveaux d’inventaire croissants offrant plus d’options et de pouvoir de négociation. À Toronto, le rapport montre que les maisons restent maintenant sur le marché pendant une moyenne de 42 jours, contre 27 jours en 2023, tandis que les réductions de prix sont devenues de plus en plus courantes.
“Les principaux facteurs qui déterminent cette division du marché comprennent la force économique régionale, les modèles de croissance démographique et, de façon critique, les impacts variables des taux d’intérêt élevés,” affirme Michael Rodriguez, analyste immobilier chez National Housing Associates. “Les provinces riches en ressources ont été quelque peu isolées des vents contraires économiques plus larges, tandis que les zones fortement dépendantes des industries du savoir ont montré plus de sensibilité aux coûts d’emprunt.”
La politique monétaire de la Banque du Canada continue de façonner la trajectoire du marché immobilier, bien que son influence varie considérablement selon les régions. Après la dernière réduction des taux d’intérêt d’un quart de point, les demandes de prêts hypothécaires ont augmenté de 12% en Ontario et en Colombie-Britannique, tout en affichant des gains plus modestes de 4-5% en Alberta et en Saskatchewan.
Pour les futurs acheteurs, le rapport suggère d’adopter des stratégies spécifiques à chaque région. “Dans les marchés de vendeurs comme Calgary, les acheteurs doivent être prêts à agir rapidement et potentiellement à offrir au-dessus du prix demandé,” conseille Leanne Thompson, courtière chez Homeward Realty. “En revanche, les acheteurs de Toronto devraient exploiter leur nouveau pouvoir de négociation et prendre le temps d’explorer plusieurs options.”
Du point de vue des politiques, le marché fragmenté présente des défis pour les initiatives fédérales en matière de logement, qui peuvent produire des résultats inégaux selon les régions. Les gouvernements provinciaux ont commencé à mettre en œuvre des approches adaptées aux régions, la Colombie-Britannique se concentrant sur l’augmentation de l’offre tandis que l’Alberta met l’accent sur le développement des infrastructures pour soutenir sa population croissante.
Les investisseurs suivent de près ces tendances divergentes, les fiducies de placement immobilier (FPI) se spécialisant de plus en plus dans des régions géographiques spécifiques plutôt que de poursuivre des stratégies nationales. Cette spécialisation reflète la reconnaissance que la connaissance du marché local est devenue plus précieuse pour naviguer dans le paysage immobilier complexe du Canada.
À mesure que nous avançons dans l’année 2025, les économistes prévoient que cette division régionale pourrait s’accentuer avant de finalement converger. “Les cycles économiques ne se déplacent pas en parfaite synchronicité entre les régions,” note Chen. “Nous assistons probablement à différentes phases d’ajustement du marché qui se déroulent simultanément à travers le pays.”
Le rapport conclut que les acheteurs et les vendeurs seraient bien avisés de comprendre où se situe leur marché local dans ce paysage divisé. Alors que les statistiques nationales sur le logement deviennent moins significatives pour saisir la réalité sur le terrain, cela pourrait-il signaler un changement fondamental dans la façon dont nous devons aborder la politique du logement et les décisions d’investissement personnel dans les économies régionales de plus en plus diversifiées du Canada?