Dans une décision qui a secoué la communauté scoute québécoise, Scouts Canada a mis en vente son historique Camp Tamaracouta, tournant définitivement la page sur le plus ancien camp scout en opération continue en Amérique du Nord. Situé dans la pittoresque région des Laurentides au nord-ouest de Montréal, ce domaine de 1 000 acres a été un pilier de la tradition scoute depuis 1912, façonnant l’expérience d’innombrables jeunes au cours de ses remarquables 112 années d’existence.
“Ce n’était pas une décision prise à la légère,” a déclaré Kaelem Moniz, directeur exécutif des communications de Scouts Canada. “Après des années de baisse des inscriptions et de pressions financières croissantes, nous sommes arrivés à un point où l’entretien de la propriété n’est plus viable pour l’organisation.”
La fermeture du camp représente bien plus que la perte d’un espace récréatif—elle marque la fin d’un morceau vivant du patrimoine scout canadien. Pendant des générations, le Camp Tamaracouta a servi d’expérience formatrice en nature où les jeunes scouts développaient des compétences de plein air, une conscience environnementale et des amitiés durables parmi ses forêts denses et ses lacs sereins.
Selon les responsables de Scouts Canada, la décision découle des réalités financières auxquelles l’organisation fait face à l’échelle nationale. Les inscriptions annuelles ont régulièrement diminué, chutant d’environ 50 pour cent au cours de la dernière décennie, avec des baisses particulièrement marquées pendant la pandémie. Le camp lui-même fonctionnait avec un déficit annuel important, nécessitant des ressources que l’organisation a jugé préférable de rediriger vers ses programmes de base.
“Le Camp Tamaracouta fonctionne à perte depuis des années,” a expliqué Moniz. “Nous parlons de près de 200 000 $ en coûts d’entretien annuels seulement, sans même considérer les mises à niveau d’infrastructure nécessaires qui exigeraient des investissements en capital substantiels.”
La propriété, qui comprend plus de 40 bâtiments, plusieurs zones riveraines et d’importants sentiers sauvages, a été mise en vente sans prix demandé publiquement divulgué. Des experts immobiliers familiers avec le marché québécois des propriétés de luxe suggèrent que la nature unique et la taille de la propriété pourraient commander entre 10 et 15 millions de dollars, bien que les protections environnementales et les considérations de zonage influenceront probablement les évaluations finales.
D’anciens campeurs et chefs scouts se sont mobilisés pour exprimer leur consternation face à cette décision. Un groupe de préservation nouvellement formé, “Les Amis de Tamaracouta,” a lancé une campagne préconisant des alternatives à une vente pure et simple.
“Ce camp représente plus qu’une propriété—c’est de l’histoire vivante,” a déclaré Michael Carter, un ancien chef scout qui a fréquenté le camp pendant plus de 25 ans. “Nous demandons à Scouts Canada d’envisager des servitudes de conservation ou des partenariats avec des sociétés historiques qui pourraient préserver cet héritage tout en répondant aux préoccupations financières.”
Le moment choisi pour la vente a soulevé des questions parmi les membres de la communauté scoute, survenant quelques semaines seulement après que Scouts Canada ait annoncé la fermeture de 17 propriétés à travers le pays dans le cadre de ce que l’organisation décrit comme une nécessaire “consolidation des actifs.” Les critiques suggèrent que ces ventes reflètent un changement plus large dans les priorités organisationnelles plutôt qu’une simple nécessité financière.
Cependant, Scouts Canada maintient que les produits des ventes de propriétés seront réinvestis dans la modernisation des programmes de l’organisation pour mieux répondre aux besoins des jeunes d’aujourd’hui. L’organisation cite des initiatives réussies dans le scoutisme urbain et des programmes STIM spécialisés comme exemples de domaines où les ressources pourraient être dirigées.
“Bien que nous comprenions l’attachement émotionnel que beaucoup ont pour le Camp Tamaracouta, notre mission fondamentale est de fournir des expériences de scoutisme pertinentes et accessibles au plus grand nombre possible de jeunes Canadiens,” a déclaré Moniz. “Parfois, cela signifie prendre des décisions difficiles concernant des actifs patrimoniaux.”
Alors que les acheteurs potentiels commencent à exprimer leur intérêt pour la propriété, la question demeure: à une époque de divertissement numérique et d’activités structurées, quelle valeur accordons-nous à la préservation des expériences traditionnelles en nature qui ont façonné la jeunesse canadienne depuis plus d’un siècle, et quelle responsabilité les organisations ont-elles de maintenir leur héritage historique même lorsque les pressions financières s’intensifient?