La dure réalité de l’inégalité canadienne a atteint de nouveaux sommets. Les dernières données de Statistique Canada révèlent ce que de nombreuses familles ouvrières ressentent déjà dans leurs luttes quotidiennes : l’écart entre les plus riches du pays et le reste de la population continue de se creuser à un rythme alarmant. Pendant que les économistes débattent de la terminologie, les Canadiens ordinaires vivent une vérité brutale—la classe moyenne s’amenuise et la mobilité économique devient de plus en plus insaisissable.
Ce qui rend ce moment particulièrement troublant est la réponse du gouvernement fédéral. Plutôt que de s’attaquer aux problèmes structurels qui alimentent l’inégalité, Ottawa a opté pour ce qu’on ne peut décrire que comme des compressions budgétaires superficielles de type “doge”—des réductions petites et dispersées qui créent l’apparence de responsabilité fiscale tout en échouant à résoudre les problèmes fondamentaux.
Considérons les chiffres : les 10 % des Canadiens les plus riches contrôlent maintenant plus de 50 % de la richesse du pays, tandis que les 50 % les moins fortunés se partagent à peine 6 %. Cette disparité n’est pas simplement une curiosité statistique—elle représente des millions de Canadiens qui travaillent plus dur que jamais tout en voyant leur pouvoir d’achat diminuer. Le travailleur moyen doit désormais consacrer plus de 50 % de son revenu au logement dans les grands centres urbains, un chiffre qui aurait été impensable il y a une génération.
L’annonce récente par le gouvernement de compressions budgétaires de 15 % dans les ministères peut sembler raisonnable sur papier, mais cette approche révèle une incompréhension fondamentale du fonctionnement de l’inégalité. Ces coupes affectent de manière disproportionnée les services dont dépendent les Canadiens de la classe moyenne et ouvrière, tout en touchant à peine les mécanismes qui ont permis l’accélération de la concentration des richesses.
L’histoire de l’inégalité des revenus au Canada raconte une histoire éloquente. De l’après-guerre jusqu’aux années 1980, la croissance économique profitait généralement aux Canadiens de toutes les tranches de revenus. Cependant, depuis le virage néolibéral des années 1980, nous avons assisté à un découplage de la productivité et des salaires. Les travailleurs produisent plus que jamais, mais leur rémunération a stagné par rapport à la valeur qu’ils créent.
Ce qui est particulièrement frappant dans la situation actuelle, c’est à quel point le résultat de ces politiques est prévisible. Les recherches du Centre canadien de politiques alternatives ont systématiquement démontré que les mesures d’austérité pendant les périodes d’incertitude économique exacerbent l’inégalité plutôt que de l’atténuer. Lorsque les gouvernements réduisent les services publics, ils transfèrent effectivement les coûts aux individus—des individus ayant des capacités très différentes pour absorber ces coûts.
L’approche actuelle en matière de compressions budgétaires reflète ce que nous avons vu dans les gouvernements conservateurs précédents, mais avec un vernis progressiste. Les coupes sont présentées comme un serrage de ceinture nécessaire plutôt que des choix idéologiques. Pourtant, la décision de réduire les services tout en maintenant une structure fiscale qui avantage les riches est précisément cela—un choix idéologique.
La crise d’inégalité au Canada n’est pas inévitable. D’autres nations confrontées à des pressions mondiales similaires ont fait des choix différents avec des résultats nettement différents. Des pays comme le Danemark, la Norvège et même le Portugal ont démontré qu’une fiscalité progressive, des services publics robustes et de solides protections du travail peuvent créer des sociétés plus équitables sans sacrifier la vitalité économique.
La solution ne nécessite pas de réinventer la théorie économique. Un impôt sur la fortune des ultra-riches, la fermeture des échappatoires fiscales et le réinvestissement dans les services publics commenceraient à résoudre les déséquilibres structurels. Des approches plus ambitieuses pourraient inclure un revenu de base universel ou des programmes d’emplois garantis, des idées qui ont montré des résultats prometteurs dans des projets pilotes à travers le pays.
La voie actuelle des coupes style “doge”—un peu ici, un peu là—donne l’illusion d’action tout en évitant les réformes fondamentales nécessaires pour créer un Canada plus équitable. C’est une voie qui mène à plus d’insécurité, plus de précarité et, finalement, plus d’inégalité.
Alors que nous naviguons à ce carrefour critique, les Canadiens doivent se demander quel type de société ils veulent bâtir. Continuerons-nous sur une voie où le succès économique est de plus en plus déterminé par les circonstances de naissance? Ou nous réengagerons-nous envers les principes de prospérité partagée qui ont défini nos périodes les plus réussies de construction nationale?
Les données sont claires. Les choix devant nous sont tout aussi clairs. Ce qui reste à voir, c’est si nous avons la volonté collective d’exiger les changements nécessaires pour inverser la marée de l’inégalité. La réponse définira non seulement notre avenir économique, mais aussi le caractère même de notre nation.
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