Alors que les Canadiens continuent de grimacer aux caisses des épiceries à travers le pays, une force plus insidieuse que l’inflation fait grimper nos factures d’épicerie : les changements climatiques. La fréquence croissante des phénomènes météorologiques extrêmes a perturbé la production agricole mondiale, créant un effet d’onde qui frappe directement les consommateurs canadiens dans leur portefeuille.
“Ce que nous observons n’est pas une hausse temporaire, mais plutôt un changement fondamental dans nos systèmes alimentaires,” explique Dre Emma Richardson, économiste agricole à l’Université de Toronto. “La volatilité climatique est devenue la nouvelle normalité pour la production alimentaire, et les consommateurs en supportent le fardeau financier.”
Les données récentes de Statistique Canada révèlent que les prix des aliments ont augmenté de 22 % au cours des trois dernières années, les perturbations liées au climat représentant près d’un tiers de ces hausses. Les produits les plus touchés comprennent les fruits et légumes frais, les céréales et les produits laitiers – des aliments de base dans le ménage canadien moyen.
En Colombie-Britannique, des inondations sans précédent dans la vallée du Fraser ont détruit des milliers d’hectares de terres agricoles en 2023, décimant la production locale de légumes. Pendant ce temps, les conditions de sécheresse prolongées dans les Prairies ont réduit les rendements de blé de 18 % par rapport aux moyennes historiques, faisant grimper le coût de la farine, du pain et des pâtes.
L’impact s’étend au-delà de nos frontières. Le Canada importe environ 48 milliards de dollars de nourriture chaque année, dont une grande partie provient de régions vulnérables au climat. La Californie, qui fournit près de 70 % des légumes d’hiver du Canada, est aux prises avec des conditions de sécheresse historiques depuis des années, obligeant les producteurs à investir dans des systèmes d’irrigation coûteux – des coûts qui sont répercutés sur les consommateurs.
“Nous dépendons de plus en plus des importations alimentaires provenant de régions qui connaissent leurs propres défis climatiques,” note Michael Chu, analyste de la chaîne d’approvisionnement à l’Institut canadien des politiques agroalimentaires. “Quand la production de fraises californienne chute en raison des pénuries d’eau, les prix canadiens grimpent immédiatement.”
L’industrie laitière n’a pas non plus été épargnée. Le stress thermique sur les vaches laitières a réduit la production de lait de 8 à 12 % pendant les vagues de chaleur estivales de plus en plus fréquentes, selon les recherches de l’Université de Guelph. Les contraintes d’approvisionnement qui en résultent ont contribué à faire augmenter le prix des produits laitiers de 27 % depuis 2022.
Les experts préviennent que sans mesures d’adaptation significatives, l’inflation alimentaire liée au climat continuera de s’accélérer. L’Institut climatique canadien projette que d’ici 2030, les changements climatiques pourraient ajouter 1 000 $ par an au budget alimentaire du ménage moyen.
Certains agriculteurs canadiens mettent en œuvre des pratiques résilientes au climat, notamment des variétés de cultures résistantes à la sécheresse, des systèmes améliorés de gestion de l’eau et des technologies de serre. Cependant, ces adaptations nécessitent des investissements substantiels, ce qui fait encore augmenter les coûts de production à court terme.
Les experts en politiques suggèrent qu’une intervention gouvernementale pourrait être nécessaire pour protéger les consommateurs des pires impacts. “Nous avons besoin d’une action coordonnée à tous les niveaux de gouvernement,” soutient Dre Sophie Martin du Réseau canadien de sécurité alimentaire. “Cela comprend des investissements dans la recherche agricole, les infrastructures résilientes au climat, et potentiellement des subventions pour les denrées alimentaires essentielles.”
Pour les consommateurs soucieux de leur budget, les stratégies d’adaptation incluent un virage vers les produits locaux de saison, la réduction du gaspillage alimentaire et l’exploration de sources de protéines alternatives moins susceptibles aux perturbations climatiques. Les jardins communautaires et les initiatives d’agriculture urbaine gagnent en popularité alors que les Canadiens cherchent à réduire leur dépendance aux chaînes d’approvisionnement vulnérables au climat.
La relation entre les changements climatiques et les prix alimentaires représente un défi complexe sans solutions simples. Alors que nous naviguons dans cette nouvelle réalité, la question demeure : ferons-nous les investissements nécessaires dans la résilience climatique maintenant, ou continuerons-nous à payer une prime toujours croissante à l’épicerie pour les années à venir?