Dans un changement sismique pour le secteur canadien de la gestion de patrimoine, la québécoise iA Financière a annoncé lundi l’acquisition de RF Capital Group pour 597 millions de dollars, créant ce que les initiés de l’industrie appellent déjà une nouvelle puissance dans le domaine du conseil en investissement.
La transaction entièrement en espèces évalue RF Capital à 15 $ par action — une prime de 46 % par rapport à son cours de clôture de vendredi — et intègre les impressionnants 37 milliards de dollars d’actifs sous administration de Richardson Wealth dans le portefeuille de gestion de patrimoine en expansion d’iA. L’accord, approuvé à l’unanimité par les conseils d’administration des deux entreprises, marque le mouvement le plus agressif d’iA à ce jour pour défier la domination des grandes banques canadiennes dans la gestion de patrimoine.
“Cette acquisition stratégique nous propulse dans une position de leader au sein du secteur canadien indépendant de gestion de patrimoine,” a déclaré Denis Ricard, président et chef de la direction d’iA Financière, lors d’une conférence téléphonique avec les investisseurs. “La présence établie de la marque Richardson Wealth et ses conseillers hautement qualifiés complètent parfaitement nos opérations existantes.”
Le moment ne pourrait être plus stratégique pour iA Financière, qui a méthodiquement développé sa division de gestion de patrimoine alors que RF Capital a lutté pour atteindre la rentabilité malgré des actifs clients considérables. L’acquisition porte le total des actifs sous administration d’iA à environ 145 milliards de dollars, la positionnant comme un concurrent redoutable face aux gestionnaires de patrimoine appartenant aux banques.
Pour les 170 équipes de conseillers de Richardson Wealth qui gèrent environ 37 000 ménages fortunés, l’accord promet des capacités technologiques améliorées et une gamme de produits plus large. Kish Kapoor, président et chef de la direction de RF Capital, a souligné que la fusion “accélérera notre trajectoire de croissance tout en maintenant l’indépendance que nos conseillers et clients valorisent.”
La réaction du marché a été immédiate et décisive. Les actions de RF Capital ont bondi de 43 % à 14,76 $ à la mi-séance, tandis que le titre d’iA Financière a grimpé de 2,4 %, reflétant la confiance des investisseurs dans la logique stratégique de l’acquisition.
La transaction survient dans un contexte de consolidation croissante de l’industrie canadienne de la gestion de patrimoine, où l’échelle est devenue essentielle à la rentabilité. Les firmes indépendantes ont fait face à une pression croissante due à l’augmentation des coûts de conformité et aux investissements technologiques nécessaires pour rester compétitives.
“Il s’agit de survie par l’échelle,” a noté Daniel Straus, analyste à la Financière Banque Nationale. “Les gestionnaires de patrimoine indépendants ont besoin d’actifs sous administration significatifs pour justifier les investissements en infrastructure requis sur le marché actuel.”
Les experts de l’industrie soulignent plusieurs facteurs qui motivent la stratégie d’acquisition d’iA. Le vieillissement de la population canadienne continue de créer une demande croissante pour les services de gestion de patrimoine, tandis que les investisseurs de la nouvelle génération s’attendent de plus en plus à des offres numériques sophistiquées en plus de conseils personnalisés.
Pour RF Capital, qui a changé son nom de GMP Capital en 2020 après la vente de son activité de marchés des capitaux, l’accord représente l’aboutissement d’une révision stratégique initiée l’année dernière. L’entreprise avait du mal à atteindre une rentabilité constante malgré sa base d’actifs importante, affichant une perte de 6,3 millions de dollars lors de son trimestre le plus récent.
La transaction reste soumise à l’approbation réglementaire et devrait être conclue au quatrième trimestre de 2024. iA Financière a indiqué qu’elle financerait l’acquisition grâce aux ressources de trésorerie existantes et aux facilités de crédit disponibles, maintenant ainsi sa solide position en capital.
Alors que la poussière retombe sur cette transaction historique, le paysage canadien de la gestion de patrimoine continue d’évoluer. Les firmes indépendantes poursuivent leur consolidation pour concurrencer les gestionnaires de patrimoine appartenant aux banques, tandis que les perturbateurs numériques exercent une pression par le bas. Pour les clients, la consolidation promet des services améliorés mais potentiellement moins d’options indépendantes.
Ce qui reste clair, c’est qu’iA Financière a fait un geste décisif pour se positionner comme un acteur majeur dans la gestion de patrimoine canadienne. La question est maintenant de savoir si d’autres institutions financières de taille moyenne suivront le mouvement, ou si iA a sécurisé le dernier gestionnaire de patrimoine indépendant d’importance sur le marché.