Le spectacle familier des facteurs parcourant les quartiers canadiens est en jeu aujourd’hui alors que près de 55 000 employés de Postes Canada terminent leur vote sur ce que les dirigeants syndicaux ont appelé “la proposition de contrat la plus importante depuis des décennies”. Les derniers bulletins de ce référendum national seront comptabilisés avant 16h00, heure de l’Est, évitant potentiellement une interruption de service qui affecterait des millions de Canadiens.
“Il ne s’agit pas simplement de salaires,” a déclaré Julianne Morris, négociatrice en chef du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). “Nous décidons de l’avenir du travail postal à une époque où la communication numérique continue de transformer notre industrie.”
L’accord proposé sur quatre ans fait suite à des mois de négociations tendues qui ont débuté début mars. Des sources proches des discussions révèlent que le contrat comprend une augmentation salariale de 14,5 % sur quatre ans, des avantages de retraite améliorés et de nouvelles protections contre l’automatisation croissante qui menace les postes traditionnels de facteurs.
Postes Canada a fait face à des pressions financières croissantes, signalant des pertes de 382 millions de dollars en 2024 alors que les volumes de courrier continuent leur déclin régulier. Le porte-parole de la société, Martin Chen, a déclaré que l’offre représente “une voie durable qui respecte à la fois nos travailleurs et les réalités fiscales auxquelles fait face le service postal.”
Le vote survient à un moment critique pour le service postal canadien. Les petites entreprises à travers le pays, dont beaucoup se remettent encore des difficultés économiques, ont exprimé leur inquiétude quant aux éventuelles interruptions de service. Une enquête menée par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante indique que 68 % des propriétaires de petites entreprises dépendent de Postes Canada pour au moins une partie de leurs besoins d’expédition.
“Nous suivons ce vote très attentivement,” a déclaré Evelyn Wong, qui exploite une entreprise en ligne de fournitures artisanales à Winnipeg. “La dernière fois qu’il y a eu une perturbation postale, j’ai perdu près de 12 000 $ en ventes. Je ne peux tout simplement pas me permettre cela à nouveau.”
Le précédent conflit contractuel en 2018 avait entraîné des grèves tournantes suivies d’une législation de retour au travail, une mesure que le gouvernement actuel n’a pas exclue si les négociations échouent. La ministre du Travail, Danielle LaFleur, a déclaré hier aux journalistes que “toutes les options restent sur la table pour protéger le service essentiel que fournit Postes Canada.”
Les représentants syndicaux soulignent que d’autres services postaux dans le monde ont réussi à négocier des transitions vers de nouveaux modèles de service. En Suède, les travailleurs postaux ont obtenu des garanties pour des programmes de recyclage professionnel alors que les postes de livraison traditionnels diminuaient. De même, l’accord de travail de la Poste australienne de 2023 comprenait des dispositions innovantes permettant aux travailleurs de passer à des rôles de livraison de colis et de services financiers.
Les employés postaux eux-mêmes restent divisés sur l’offre. “L’augmentation salariale suit à peine l’inflation,” a déclaré Carlos Menendez, facteur depuis 22 ans à Vancouver. “Mais je suis plus préoccupé par les garanties de sécurité d’emploi qui semblent au mieux vagues.”
D’autres voient l’offre plus favorablement. “Nous devons reconnaître les réalités de l’environnement postal d’aujourd’hui,” a noté Samantha Cheng, travailleuse dans une usine de traitement à Montréal. “Ce contrat nous donne au moins une place à la table alors que Postes Canada évolue.”
Les analystes économiques du Centre canadien de politiques alternatives estiment qu’une perturbation postale prolongée pourrait coûter à l’économie jusqu’à 250 millions de dollars par semaine, avec des impacts disproportionnés sur les communautés rurales où les options de livraison alternatives restent limitées.
À l’approche de la date limite de vote, la question dépasse le simple conflit de travail : comment le service postal canadien s’adaptera-t-il à un monde de plus en plus numérique tout en préservant des emplois décents et un service universel? La réponse pourrait commencer à émerger lorsque les bulletins seront comptés cet après-midi.