Le spectre de tensions commerciales renouvelées plane sur le Canada alors que le ministre de l’Emploi de la Colombie-Britannique, Jagrup Kahlon, a appelé à une stratégie nationale décisive et coordonnée pour contrer les tarifs potentiels d’une seconde administration Trump. S’exprimant franchement lors d’un sommet d’affaires à Vancouver, Kahlon a souligné que les gouvernements provinciaux ne peuvent pas se permettre d’être des observateurs passifs face à ce qui pourrait devenir un défi économique majeur pour les industries canadiennes.
“Nous devons être prêts avec une réponse robuste et unifiée,” a déclaré Kahlon au Forum économique du Pacifique. “Les conséquences de l’inaction pourraient être dévastatrices pour les travailleurs et les entreprises canadiennes qui dépendent fortement de relations commerciales transfrontalières harmonieuses.”
Les commentaires du ministre surviennent dans un contexte d’inquiétudes croissantes concernant les promesses de campagne du président élu Donald Trump d’imposer des tarifs généralisés allant jusqu’à 20% sur toutes les importations, avec des taux potentiellement plus élevés pour le Canada, qui pourraient se concrétiser peu après son investiture en janvier. Les analystes économiques de la Banque Royale du Canada ont prévu que de telles mesures pourraient réduire les exportations canadiennes d’environ 30 milliards de dollars par an et potentiellement éliminer jusqu’à 100 000 emplois à travers le pays.
La position de Kahlon s’aligne avec les recommandations de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, qui a récemment plaidé pour des mesures proactives plutôt que des politiques réactives. “Les preuves historiques montrent que les tarifs de représailles ne font souvent qu’aggraver les tensions sans résoudre les défis économiques fondamentaux,” a noté Poloz dans son discours à la Chambre de commerce du Canada la semaine dernière.
La Colombie-Britannique est particulièrement vulnérable aux perturbations commerciales avec les États-Unis. La province a exporté près de 21,5 milliards de dollars en marchandises vers les marchés américains en 2023, les produits forestiers, les biens manufacturés et les services technologiques représentant les secteurs les plus importants. Environ un emploi sur cinq dans la province dépend directement ou indirectement de cette relation commerciale.
Les responsables provinciaux ont entamé des consultations avec les représentants de l’industrie pour identifier les secteurs les plus à risque et développer des mécanismes de soutien ciblés. Ces derniers comprennent des programmes potentiels d’allègement fiscal, des initiatives élargies de diversification des marchés d’exportation et des soutiens de reconversion professionnelle pour les industries touchées.
“Nous avons tiré des leçons précieuses des différends commerciaux précédents,” a déclaré Michelle Carter-Kline, PDG du Conseil des affaires de la C.-B. “Les entreprises qui ont diversifié leurs marchés d’exportation pendant les différends sur le bois d’œuvre se sont avérées plus résilientes. Nous devons appliquer ces leçons à l’ensemble de notre économie.”
La ministre fédérale du Commerce, Mary Ng, a reconnu les préoccupations soulevées par les dirigeants provinciaux, mais a maintenu que des spéculations prématurées pourraient nuire à la position de négociation du Canada. Dans une déclaration publiée mardi, Ng a indiqué que “le Canada a su naviguer avec succès dans des défis commerciaux complexes auparavant et reste déterminé à défendre les intérêts économiques canadiens tout en maintenant un dialogue productif avec nos homologues américains.”
Les historiens économiques soulignent que les tensions commerciales Canada-États-Unis ont historiquement été cycliques, avec des périodes de friction suivies de coopération renouvelée. Le professeur Thomas Mercer de l’Université de la Colombie-Britannique note que “la nature intégrée des chaînes d’approvisionnement nord-américaines crée de puissantes incitations pour des solutions pragmatiques, même au milieu de la rhétorique politique.”
Alors que les deux gouvernements se préparent à d’éventuelles négociations, les consommateurs et les entreprises canadiennes font face à l’incertitude concernant les impacts sur les prix et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Les analystes du marché suggèrent que des secteurs comme la fabrication automobile, l’agriculture et l’énergie pourraient faire face aux ajustements les plus importants si de nouvelles barrières tarifaires se matérialisent.
Les semaines à venir seront cruciales alors que les responsables provinciaux et fédéraux élaborent des plans d’urgence coordonnés tout en espérant que le pragmatisme économique finira par prévaloir dans les relations commerciales internationales.
Alors que les Canadiens se préparent à d’éventuels vents contraires économiques, une question fondamentale reste sans réponse : l’interdépendance économique profonde entre le Canada et les États-Unis peut-elle servir de contrepoids suffisant aux promesses de campagne qui menacent des décennies de commerce continental intégré?