L’ombre de potentiels tarifs douaniers sur les exportations canadiennes plane sur le paysage économique du pays, alors même que la Banque du Canada maintient sa position prudente sur les taux d’intérêt. Dans ce que les analystes appellent un “double point de pression économique”, le Canada navigue à la fois entre les défis de la politique monétaire nationale et la menace de nouvelles tensions commerciales avec son plus grand partenaire commercial.
La récente promesse de campagne de l’ancien président américain Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers généralisés sur tous les produits canadiens a envoyé des ondes de choc dans les communautés d’affaires à travers le pays. “Nous envisageons un scénario de tarifs potentiels de 10-20% si Trump revient au pouvoir”, explique Thomas Richardson, économiste en chef chez Vancouver Trade Associates. “Pour des industries comme l’automobile, le bois d’œuvre et l’énergie, cela représente des milliards en impact potentiel.”
Le moment ne pourrait être plus complexe alors que la Banque du Canada a maintenu son taux directeur à 4,75% cette semaine, équilibrant les préoccupations liées à l’inflation et les signes de ralentissement économique. Le gouverneur Tiff Macklem a souligné ce délicat équilibre dans son communiqué : “Bien que l’inflation se soit modérée à 2,8%, nous restons vigilants face aux chocs externes potentiels qui pourraient faire dérailler nos progrès.”
Les entreprises canadiennes élaborent déjà des plans d’urgence. Telus Corporation a annoncé hier qu’elle révise sa stratégie de chaîne d’approvisionnement transfrontalière, accélérant l’approvisionnement national lorsque possible. Le PDG Darren Entwistle a noté lors de la présentation des résultats de l’entreprise que “l’incertitude géopolitique nécessite une planification proactive de la résilience.”
Les tarifs potentiels représentent plus qu’une simple friction économique—ils signalent un possible changement fondamental dans la relation commerciale Canada-États-Unis qui a prospéré sous l’ACEUM (anciennement l’ALENA). Avec près de 75% des exportations canadiennes destinées aux marchés américains, représentant environ 400 milliards de dollars en commerce annuel, les enjeux ne pourraient être plus élevés.
Les provinces frontalières comme l’Ontario risquent de ressentir le plus grand impact. Les centres manufacturiers de Windsor à Hamilton pourraient faire face à des perturbations importantes si les pièces automobiles rencontrent de nouvelles barrières. “Nous parlons de chaînes d’approvisionnement intégrées qui ont évolué sur des décennies”, note Michelle Carter de l’Association des manufacturiers canadiens. “On ne peut pas simplement démêler cette complexité du jour au lendemain sans coûts substantiels des deux côtés.”
Le gouvernement fédéral a entamé des discussions préliminaires avec les dirigeants provinciaux et les représentants de l’industrie pour développer des stratégies de réponse. Des sources au sein d’Affaires mondiales Canada indiquent que les canaux diplomatiques restent ouverts, bien que des préparatifs pour d’éventuelles contre-mesures commerciales soient en cours.
Pour les Canadiens ordinaires, ces développements pourraient se traduire par des prix à la consommation plus élevés et une potentielle instabilité de l’emploi dans les secteurs dépendants des exportations. Les analystes de la Banque Royale prévoient que des tarifs soutenus pourraient ajouter 0,5 à 1,0 point de pourcentage à l’inflation, compliquant les efforts de la Banque du Canada pour maintenir la stabilité des prix.
Les marchés de l’énergie semblent particulièrement vulnérables. Avec le pétrole et le gaz naturel canadiens constituant environ 19% des importations énergétiques américaines, toute perturbation menace la sécurité énergétique des deux côtés de la frontière. Les leaders de l’industrie du secteur énergétique albertain ont commencé des efforts de lobbying à Ottawa et à Washington pour souligner les dommages économiques mutuels qu’infligeraient les tarifs.
L’approche prudente de la Banque du Canada concernant les ajustements de taux prend désormais une importance supplémentaire. “Maintenir les taux stables offre une certaine stabilité au milieu de l’incertitude externe”, explique l’analyste financière Priya Sharma de CO24 Business. “Mais cela limite également la flexibilité de la Banque si une réponse rapide devient nécessaire.”
Alors que les entreprises et les décideurs politiques canadiens naviguent dans ces eaux agitées, une chose reste claire : les mois à venir mettront à l’épreuve la résilience des relations commerciales du Canada et ses fondamentaux économiques. Avec les élections provinciales qui approchent dans certaines régions et les décisions de politique fédérale à l’horizon, la façon dont le Canada se positionne entre pragmatisme économique et principe politique pourrait définir sa trajectoire économique pour les années à venir.
Les efforts de diversification du Canada vers les marchés asiatiques et européens s’accéléreront-ils en réponse? Ou est-ce que l’accommodement pragmatique avec son plus grand partenaire commercial prévaudra? Ces questions se trouvent maintenant au cœur de la stratégie économique du Canada alors que les deux nations se dirigent vers une période potentiellement transformative dans leur relation commerciale.