Une coalition d’élus républicains tire la sonnette d’alarme concernant la Loi sur la diffusion en continu en ligne du Canada, avertissant qu’elle pourrait déclencher d’importantes répercussions commerciales entre les deux nations historiquement alliées. Dans une lettre au ton ferme adressée à la représentante américaine au Commerce Katherine Tai, 22 membres républicains du Congrès exigent une action immédiate contre ce qu’ils qualifient de législation “discriminatoire” qui menace les fournisseurs américains de services numériques opérant au nord de la frontière.
Le controversé projet de loi C-11, qui a reçu la sanction royale en avril dernier, oblige les plateformes de diffusion en continu comme Netflix, Disney+ et YouTube à promouvoir le contenu canadien et potentiellement à contribuer financièrement à la production canadienne. Les législateurs républicains, menés par les représentants Jim Banks et Michael McCaul, soutiennent que cette législation viole les engagements pris par le Canada dans le cadre de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).
“La Loi sur la diffusion en continu en ligne et ses règlements d’application représentent une menace majeure pour le commerce transfrontalier des services numériques,” indique la lettre. “Il est impératif que l’administration Biden agisse rapidement pour éviter d’autres dommages aux entreprises et créateurs américains.”
Au cœur du différend se trouve le plan du Canada d’exiger des géants du streaming qu’ils contribuent à hauteur d’environ 5% de leurs revenus canadiens pour soutenir la production de contenu national. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui supervise la mise en œuvre de la loi, a déjà lancé des procédures réglementaires qui pourraient forcer ces plateformes à rendre le contenu canadien plus facile à découvrir pour les utilisateurs.
Ceci représente la dernière escalade dans ce qui est devenu un différend international litigieux. Des responsables américains avaient précédemment exprimé leurs préoccupations alors que la législation était encore débattue au Parlement, suggérant qu’elle pourrait déclencher des représailles commerciales si elle était adoptée. Malgré ces avertissements, le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a poursuivi avec cette législation, arguant qu’elle crée des règles du jeu équitables entre les diffuseurs traditionnels et les services de diffusion en continu numériques.
La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a défendu la loi en déclarant : “Cette législation garantit simplement que les géants numériques contribuent équitablement à notre écosystème culturel, comme les diffuseurs traditionnels le font depuis des décennies. Il s’agit de souveraineté culturelle, non de protectionnisme commercial.”
Les experts de l’industrie préviennent que le différend pourrait dépasser le simple positionnement politique. Dr. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa, note que “cela va au-delà de la politique partisane. Il existe des préoccupations légitimes quant à savoir si certains aspects de la législation violent les engagements commerciaux du Canada, particulièrement concernant les principes de traitement national.”
La lettre des législateurs républicains exige que l’administration Biden engage des consultations formelles en vertu des dispositions de l’AEUMC, ce qui pourrait finalement mener à un panel de règlement des différends. Si le Canada est reconnu coupable d’avoir violé l’accord, les États-Unis pourraient imposer des tarifs de représailles sur les biens canadiens.
Le moment est particulièrement sensible alors que les deux pays se préparent à des élections dans l’année à venir. Au Canada, l’opposition conservatrice s’est constamment opposée à la Loi sur la diffusion en continu en ligne, le chef Pierre Poilievre s’engageant à l’abroger s’il est élu. Pendant ce temps, les politiciens américains se concentrent de plus en plus sur les questions commerciales à mesure que la campagne présidentielle de 2024 s’intensifie.
Pour les consommateurs canadiens, le différend soulève des questions sur la façon dont leurs expériences de streaming pourraient changer. Les règlements du CRTC pourraient modifier les algorithmes de recommandation et la disponibilité du contenu sur les plateformes populaires. Netflix a déjà averti que la promotion forcée de contenu canadien pourrait perturber l’expérience de visionnage personnalisée à laquelle s’attendent leurs abonnés.
Alors que les canaux diplomatiques s’efforcent de répondre à ces préoccupations, la question fondamentale demeure : le Canada peut-il équilibrer ses ambitions de souveraineté culturelle avec ses obligations commerciales internationales, ou cette législation marquera-t-elle le début d’un conflit commercial plus profond avec son plus grand partenaire commercial?