Une décision qui a ébranlé le secteur forestier canadien jeudi: les États-Unis ont finalisé des augmentations substantielles des droits de douane sur les importations de bois d’œuvre canadien, faisant monter d’un cran ce différend commercial qui dure depuis des décennies. Le département américain du Commerce a ordonné aux agents frontaliers de commencer à percevoir des droits moyens de 14,54 %, en hausse par rapport au taux précédent de 8,05 %, portant un coup dur aux producteurs canadiens qui naviguent déjà dans des conditions de marché difficiles.
“Cette décision représente un nouveau chapitre dans ce qui est devenu l’un des conflits commerciaux les plus persistants en Amérique du Nord,” a déclaré Michel Tremblay, économiste en chef chez Analyses du Commerce des Ressources. “Le moment ne pourrait être pire pour les producteurs canadiens qui se remettent encore des perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées à la pandémie et des fluctuations des marchés immobiliers.”
Les augmentations de droits varient considérablement selon les entreprises, certaines faisant face à des taux aussi élevés que 19,66 %, tandis que d’autres bénéficient d’évaluations individuelles plus favorables. West Fraser Timber, l’un des plus grands producteurs canadiens, fait maintenant face à un droit de 9,38 %, tandis que Canfor Corporation doit composer avec un taux de 18,99 % sur ses expéditions vers les États-Unis.
La ministre canadienne du Commerce international, Mary Ng, a condamné la décision comme “injustifiée” et a promis qu’Ottawa contesterait cette décision par tous les mécanismes de résolution des différends disponibles. “Ces droits nuisent aux travailleurs et aux communautés des deux côtés de la frontière,” a déclaré Ng dans un communiqué fermement rédigé. “Ils font grimper les coûts de construction pour les consommateurs américains à un moment où le logement abordable demeure un enjeu crucial.”
L’industrie canadienne du bois d’œuvre contribue environ 25 milliards de dollars annuellement à l’économie nationale et soutient plus de 200 000 emplois directs et indirects, particulièrement dans les communautés rurales où la foresterie sert souvent de pilier économique. Les analystes de l’industrie prévoient que ces droits accrus pourraient potentiellement coûter au secteur plus de 850 millions de dollars annuellement en coûts d’exportation supplémentaires.
Ce différend, qui persiste depuis près de quatre décennies, porte sur des désaccords fondamentaux concernant les pratiques forestières canadiennes. Les producteurs américains allèguent depuis longtemps que le Canada subventionne injustement son industrie du bois d’œuvre par des droits de coupe artificiellement bas sur les terres publiques. Les responsables canadiens et les représentants de l’industrie ont constamment rejeté ces allégations, soulignant les victoires antérieures devant les tribunaux commerciaux internationaux.
“Le lobby américain du bois continue de pousser ces mesures protectionnistes malgré des défaites juridiques répétées,” a expliqué Suzanne Lavoie, directrice du Conseil canadien du commerce forestier. “Depuis 1982, le Canada a prévalu dans pratiquement tous les défis juridiques contre ces droits, mais le cycle continue parce que le système américain permet aux producteurs nationaux de déclencher à répétition de nouvelles enquêtes.”
Les analystes du marché suggèrent que le moment de cette décision coïncide avec la reprise robuste du marché immobilier américain, où la demande de matériaux de construction a augmenté. Les constructeurs américains, cependant, ont exprimé des préoccupations quant à l’impact de cette décision sur les coûts de construction, qui pourraient ultimement être transférés aux consommateurs américains.
“Cela représente une taxe sur les acheteurs de maisons américains,” a déclaré Robert Miller, président de l’Association nationale des constructeurs de maisons des États-Unis. “À un moment où nous essayons de résoudre les problèmes d’accessibilité au logement, ces droits ajouteront environ 1 500 $ au coût d’une nouvelle maison moyenne.”
Le gouvernement canadien a déjà promis 30 millions de dollars en soutien aux communautés et entreprises touchées pour les aider à faire face à l’impact pendant que les contestations juridiques se poursuivent par les canaux commerciaux internationaux. Les dirigeants provinciaux de la Colombie-Britannique, du Québec et de l’Ontario—des régions avec d’importants secteurs forestiers—ont également annoncé des plans pour compléter l’aide fédérale avec des programmes de soutien régionaux.
Alors que ce conflit commercial s’intensifie, la question demeure: cette escalade incitera-t-elle finalement les deux nations à négocier une solution durable à long terme, ou sommes-nous simplement témoins de la dernière escarmouche dans une guerre commerciale destinée à se poursuivre pour une autre génération?