Dans un virage important vers la sécurité frontalière de haute technologie, la Gendarmerie royale du Canada a lancé un ambitieux programme de surveillance par drones le long de certaines sections de la frontière canado-américaine. L’initiative, dévoilée cette semaine, représente l’un des déploiements les plus importants de technologie aérienne sans pilote dans l’histoire de la surveillance frontalière canadienne.
Le programme se concentrera initialement sur un corridor stratégique dans le sud du Manitoba, où les autorités ont documenté une augmentation préoccupante des passages illégaux et des activités de contrebande au cours des 18 derniers mois. Selon le commissaire de la GRC Mike Duheme, les drones fourniront “des capacités d’observation aérienne persistantes” que les patrouilles terrestres seules ne peuvent pas réaliser.
“Cette technologie donne à nos agents un avantage crucial pour surveiller les zones éloignées difficiles d’accès mais fréquemment exploitées par des organisations criminelles,” a expliqué Duheme lors d’un briefing opérationnel mardi à Winnipeg. “Nous améliorons notre capacité à détecter et à répondre aux menaces à la sécurité frontalière tout en respectant la vie privée et les libertés civiles.”
La flotte de drones comprend 24 véhicules aériens sans pilote spécialisés équipés de caméras thermiques, capables de détecter les mouvements humains jusqu’à huit kilomètres de distance, même dans l’obscurité complète ou dans des conditions météorologiques défavorables. Chaque unité peut rester en vol pendant environ six heures avant de nécessiter un remplacement de batterie.
Les défenseurs de la vie privée ont soulevé des préoccupations concernant cette surveillance accrue. Michael Bryant, directeur exécutif de l’Association canadienne des libertés civiles, a averti que “les technologies de surveillance aérienne nécessitent des mécanismes de surveillance robustes pour éviter un élargissement de leur mission au-delà de leurs applications de sécurité prévues.”
La GRC a répondu en soulignant que les opérations de drones respecteront des protocoles stricts. Tous les vols resteront dans des zones frontalières désignées, s’étendant généralement à pas plus de cinq kilomètres en territoire canadien. De plus, les séquences recueillies ne seront conservées que pendant 30 jours, sauf si elles contiennent des preuves d’activité criminelle.
Cette initiative survient dans un contexte de préoccupations croissantes en matière de sécurité bilatérale. Les statistiques publiées par l’Agence des services frontaliers du Canada montrent une augmentation de 37 % des interceptions frontalières illégales depuis 2021, avec des hausses particulièrement marquées au Manitoba et au Québec. Parallèlement, le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a signalé des tendances similaires le long de leur périmètre nord.
Le programme de 28,4 millions de dollars ne représente qu’un élément d’un ensemble plus vaste de 312 millions de dollars pour l’amélioration de la sécurité frontalière annoncé dans le budget fédéral du printemps. Les autres éléments comprennent du personnel frontalier supplémentaire, une technologie de contrôle améliorée aux points d’entrée et un meilleur partage de renseignements avec les homologues américains.
Les communautés frontalières ont exprimé des réactions mitigées. À Emerson, au Manitoba, le maire Dave Carlson a accueilli favorablement la présence accrue de sécurité tout en exprimant l’espoir que la technologie serait déployée de manière responsable. “Nos résidents veulent à la fois la sécurité et le respect de la vie privée,” a noté Carlson. “Nous avons besoin d’assurances que cette surveillance n’affectera pas les citoyens respectueux des lois dans leur vie quotidienne.”
La mise en œuvre du programme de drones coïncide avec les discussions diplomatiques en cours entre Ottawa et Washington concernant la gestion des frontières. Le mois dernier, des responsables canadiens ont rencontré leurs homologues américains pour discuter d’approches coordonnées face aux défis migratoires touchant les deux nations.
Alors que cette frontière technologique en matière de sécurité frontalière se développe, des questions importantes demeurent: l’équilibre entre sécurité renforcée et libertés civiles sera-t-il maintenu, et cette approche aérienne pourrait-elle devenir la nouvelle norme pour la surveillance des frontières à travers l’Amérique du Nord?