Dans le cadre d’une initiative transfrontalière historique, les responsables du Yukon et de l’Alaska ont officialisé un partenariat visant à lutter contre la violence disproportionnée qui touche les communautés autochtones dans les territoires nordiques. L’accord, signé hier à Whitehorse, établit de nouveaux protocoles pour le partage d’informations, la coordination des enquêtes et la formation à la sensibilité culturelle pour les forces de l’ordre des deux côtés de la frontière canado-américaine.
“Cet accord représente une étape cruciale vers la reconnaissance de la responsabilité partagée que nous avons pour protéger les vies autochtones“, a déclaré le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, lors de la cérémonie de signature. “Pendant trop longtemps, ces cas sont tombés dans les failles juridictionnelles, laissant les familles sans réponses et les communautés sans justice.”
Cette initiative répond à des statistiques alarmantes montrant que les femmes et les filles autochtones sont confrontées à des taux de violence jusqu’à 12 fois plus élevés que les autres groupes démographiques dans les régions nordiques. Une étude conjointe de 2022 menée par l’Université du Yukon et l’Université de l’Alaska a révélé que les cas transfrontaliers étaient particulièrement sujets à des difficultés d’enquête, environ 37 % demeurant non résolus après cinq ans—près du double du taux des autres cas de personnes disparues.
Le gouverneur de l’Alaska, Mike Dunleavy, qui a participé virtuellement, a souligné les aspects pratiques de l’accord. “Quand une personne disparaît, les frontières deviennent sans importance pour l’enquête. Ce partenariat élimine les obstacles bureaucratiques qui ont historiquement entravé notre capacité à travailler efficacement ensemble.”
L’accord établit un groupe de travail conjoint composé d’enquêteurs des deux régions qui se réuniront chaque trimestre pour examiner les cas actifs. De plus, une base de données partagée accessible au personnel autorisé facilitera l’échange immédiat d’informations sur les signalements de personnes disparues impliquant des individus autochtones.
Plus significativement encore, l’accord comprend des dispositions pour une formation en compétence culturelle dirigée par des aînés autochtones et des gardiens du savoir des communautés du Yukon et de l’Alaska. Cette formation vise à remédier à la méfiance historique entre les forces de l’ordre et les communautés autochtones tout en veillant à ce que les enquêtes intègrent des approches culturellement appropriées.
Doris McLean, une militante du Conseil des femmes autochtones du Yukon qui a perdu sa nièce dans une affaire non résolue datant de 2018, a accueilli avec prudence cette avancée. “Nous avons déjà entendu des promesses. Ce qui compte maintenant, c’est la mise en œuvre et la responsabilisation. Nos communautés ont besoin de voir des actions concrètes, pas seulement plus de signatures sur du papier.”
L’accord alloue 3,7 millions de dollars de financement combiné sur trois ans, avec des ressources dirigées vers des équipes d’enquête spécialisées, des services de soutien pour les familles touchées et des initiatives de prévention communautaires. Un comité de surveillance indépendant comprenant une représentation égale des organisations autochtones, des responsables gouvernementaux et des forces de l’ordre surveillera les progrès et publiera des rapports publics semestriels.
Le ministre canadien de la Justice, Arif Virani, qui a participé à la cérémonie de signature, a noté que l’accord pourrait servir de modèle pour d’autres régions transfrontalières confrontées à des défis similaires. “Les problèmes qui touchent les communautés autochtones ne reconnaissent pas les frontières internationales, et nos solutions ne devraient pas non plus les reconnaître.”
L’initiative s’appuie sur les recommandations de l’Enquête nationale canadienne sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et d’enquêtes américaines similaires qui ont souligné la nécessité d’approches coordonnées et culturellement informées pour lutter contre la violence envers les peuples autochtones.
Alors que la mise en œuvre commence le mois prochain, la question demeure: cet accord comblera-t-il enfin les divisions juridictionnelles qui ont permis à trop de vies autochtones de disparaître sans résolution, ou rejoindra-t-il une longue histoire d’initiatives bien intentionnées qui n’ont pas réussi à apporter un changement tangible pour les communautés nordiques?