Une crise grandissante se déroule dans la petite communauté de Shellbrook en Saskatchewan, où les travailleurs de la santé tirent la sonnette d’alarme concernant des niveaux de personnel “dangereusement bas” couplés à des salaires stagnants qui n’ont pas suivi l’inflation. Cette situation menace de compromettre les soins médicaux pour les 1 500 résidents de la communauté et les zones rurales environnantes qui dépendent des installations médicales de Shellbrook.
“Nous fonctionnons à environ 65% de notre capacité optimale,” révèle Marjorie Kendrick, infirmière autorisée qui travaille au Centre de santé intégré de Parkland depuis plus de 15 ans. “Certaines nuits, nous n’avons que deux infirmières pour couvrir tout l’établissement. La sécurité des patients devient une préoccupation sérieuse.”
Selon les données obtenues auprès de l’Autorité de santé de la Saskatchewan (SHA), Shellbrook a connu une diminution de 27% du taux de rétention du personnel de santé au cours des trois dernières années, les salaires étant cités comme le facteur principal. Les salaires de départ actuels pour les infirmières auxiliaires autorisées dans la région tournent autour de 28,75 $ de l’heure, nettement inférieurs à ceux des provinces voisines et des centres urbains de la Saskatchewan.
Cette disparité salariale a créé ce que les économistes de la santé appellent un “drainage rural”, où les professionnels qualifiés migrent de plus en plus vers des centres urbains mieux rémunérés. Les documents internes de la SHA montrent que 12 postes restent vacants à l’établissement de Shellbrook, les efforts de recrutement n’attirant que peu de candidats qualifiés.
“On s’attend à ce que nous fournissions la même qualité de soins avec moins de ressources et moins de rémunération,” déclare Dr. Thomas Reid, médecin de famille au centre. “Les chiffres ne concordent tout simplement pas. Nous avons soulevé ces problèmes à plusieurs reprises auprès des autorités sanitaires provinciales.”
Les pénuries de personnel commencent à affecter les soins aux patients. Les temps d’attente au service d’urgence ont augmenté d’environ 40% au cours de la dernière année, tandis que certains services spécialisés ont été temporairement suspendus. Des résidents locaux rapportent devoir se rendre à Prince Albert, à près de 50 kilomètres, pour des soins auparavant disponibles à Shellbrook.
La réponse de la communauté a été rapide. La coalition “Soutien aux soins de santé de Shellbrook”, formée par des résidents préoccupés plus tôt ce mois-ci, a recueilli plus de 800 signatures sur une pétition exigeant l’intervention provinciale. Le groupe prévoit de présenter ses conclusions au ministre de la Santé de la Saskatchewan la semaine prochaine.
“Ce n’est pas seulement un problème de Shellbrook,” explique Donna Schmidt, organisatrice de la coalition. “Les soins de santé ruraux à travers la Saskatchewan sont en péril si nous ne pouvons pas assurer des salaires compétitifs et un personnel adéquat. Nous sommes le canari dans la mine de charbon.”
Le ministère de la Santé de la Saskatchewan a reconnu ces préoccupations dans une déclaration, notant que “le personnel de santé rural demeure une priorité” et que “des examens de rémunération sont actuellement en cours.” Cependant, le ministère ne s’est pas engagé à des augmentations de salaire spécifiques ou à des solutions de dotation pour Shellbrook.
Les experts en politique de santé avertissent que la situation à Shellbrook reflète un défi national plus large. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, les établissements de soins ruraux à travers le pays font face à des taux de vacance 30% plus élevés par rapport aux centres urbains, les disparités salariales étant un facteur contributif important.
Pour des résidents comme Harold Martens, 78 ans, qui dépend des soins réguliers à l’établissement de Parkland pour son problème cardiaque chronique, la situation devient de plus en plus préoccupante. “J’ai vécu ici toute ma vie, payé mes impôts, et maintenant je m’inquiète de savoir s’il y aura une infirmière disponible quand j’aurai besoin de soins,” a confié Martens.
Alors que les délibérations budgétaires provinciales approchent cet automne, les travailleurs de la santé et les membres de la communauté de Shellbrook restent unis dans leur message : sans intervention immédiate pour remédier aux disparités salariales et aux pénuries de personnel, l’avenir des soins de santé dans cette communauté rurale est en jeu. La question qui se pose maintenant aux dirigeants provinciaux est claire : sont-ils prêts à investir dans la durabilité des soins de santé ruraux, ou des communautés comme Shellbrook deviendront-elles des déserts médicaux dans un Canada de plus en plus urbanisé?