Dans les heures glaciales précédant l’aube devant l’installation Gateway de Postes Canada à Mississauga, les travailleurs postaux en grève se regroupent autour de barils enflammés, leur souffle collectif visible dans l’air de novembre. Cette scène se répète à travers le pays alors que le système postal canadien fait face à sa perturbation de travail la plus importante depuis des années, avec des implications considérables pour les entreprises, les consommateurs et la période des fêtes à venir.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), représentant plus de 55 000 employés, a lancé des actions de grève tournante la semaine dernière après des mois de négociations au point mort avec la direction de Postes Canada. Le différend porte principalement sur les augmentations salariales, l’amélioration de la sécurité au travail et les dispositions de sécurité d’emploi à une époque où le volume de courrier postal diminue.
“Nous ne nous battons pas seulement pour de meilleurs salaires,” explique Marjorie Thompson, factrice depuis 22 ans qui manifeste à Edmonton. “Nous nous battons pour l’avenir d’un service postal public fiable dans ce pays.” Les préoccupations de Thompson reflètent des tensions plus larges au sein du secteur public canadien alors que les services essentiels naviguent dans les réalités économiques post-pandémiques.
Postes Canada a offert une augmentation salariale de 7,5 % sur quatre ans, ce qui est nettement inférieur à la demande du syndicat de 15 % sur la même période. La direction soutient que leur proposition équilibre une rémunération équitable avec les réalités fiscales d’une société d’État qui a enregistré des pertes durant quatre des cinq derniers trimestres fiscaux.
“La société doit rester financièrement viable tout en s’adaptant à l’évolution des conditions du marché,” a déclaré le PDG de Postes Canada, Doug Ettinger, lors d’une conférence de presse hier. “Nous respectons le droit de nos employés à la négociation collective, mais nous devons parvenir à une entente qui assure la viabilité à long terme de Postes Canada.”
Le conflit se déroule dans un contexte économique complexe où l’inflation s’est refroidie mais demeure une préoccupation pour les travailleurs qui ont vu leur pouvoir d’achat s’éroder. Pendant ce temps, l’explosion du commerce électronique a transformé les opérations de Postes Canada, la livraison de colis représentant désormais le moteur de croissance de la société, tandis que le courrier traditionnel poursuit son déclin régulier.
Les associations de petites entreprises ont exprimé une inquiétude croissante alors que la grève entre dans sa deuxième semaine. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante estime les pertes quotidiennes à 30 millions de dollars pour les petites entreprises qui dépendent des services postaux, particulièrement à l’approche de la cruciale saison des achats des fêtes.
“Nous expédions environ 70 % de nos produits via Postes Canada,” déclare Michelle Chen, propriétaire d’Eastwood Handcrafted à Vancouver. “Cette perturbation ne pouvait pas survenir à un pire moment—novembre et décembre représentent près de 40 % de notre revenu annuel.”
Le gouvernement fédéral a jusqu’à présent résisté aux appels à légiférer le retour au travail des employés des postes, le ministre du Travail Steven MacKinnon exhortant les deux parties à parvenir à un règlement négocié. Cela marque une rupture avec les précédents conflits postaux, où l’intervention fédérale a finalement mis fin à des perturbations de service prolongées.
Les experts en relations de travail notent que le différend actuel reflète des tensions plus larges dans le paysage de l’emploi au Canada. “Nous assistons à une réévaluation fondamentale de la valeur du travail dans de nombreux secteurs,” explique Dre Alison Braithwaite, professeure d’études du travail à l’Université York. “Les travailleurs des postes, comme beaucoup d’autres, cherchent la reconnaissance que leurs contributions essentielles pendant la pandémie méritent une rémunération qui suit le rythme du coût de la vie.”
Alors que les négociations se poursuivent sous un blackout médiatique, les Canadiens se demandent combien de temps les services postaux essentiels seront perturbés et quels compromis pourraient émerger. Le résultat influencera probablement les relations de travail dans plusieurs secteurs de services publics et établira des précédents sur la façon dont les différends de services essentiels sont gérés dans une économie post-pandémique.
Pour l’instant, les deux parties indiquent qu’elles restent engagées dans le processus de négociation, bien qu’aucune ne semble prête à modifier significativement sa position. Pendant ce temps, les Canadiens explorent des options de livraison alternatives, les services de messagerie privés signalant des augmentations substantielles de volume.
Alors que ce conflit de travail se déroule dans un contexte d’incertitude économique, une question demeure particulièrement pertinente : dans un monde de plus en plus numérique, comment évaluons-nous et rémunérons-nous correctement les travailleurs d’infrastructure physique qui continuent de connecter notre vaste pays de manière tangible?