Dans une démarche sans précédent qui a envoyé des ondes de choc dans le système judiciaire d’Edmonton, le chef de police Dale McFee a pris l’initiative de résoudre les tensions croissantes entre ses forces et les procureurs de la Couronne—une relation essentielle pour assurer la sécurité publique et la justice dans la capitale albertaine.
Le différend, qui couvait sous la surface depuis des mois, a culminé après une série d’affaires très médiatisées où des accusations ont été suspendues ou rejetées en raison de ce que la police a décrit comme “des interprétations divergentes des seuils de preuve”. Des documents internes obtenus par CO24 révèlent que les agents de police d’Edmonton ont exprimé une frustration croissante face à ce qu’ils perçoivent comme une barre inutilement haute pour les poursuites.
“Nous assistons à un décalage fondamental dans la façon dont la police et les procureurs perçoivent leurs responsabilités respectives”, a déclaré le chef McFee lors d’une conférence de presse tenue hier au quartier général de la police. “Mais ne vous y trompez pas—il ne s’agit pas de pointer du doigt. Il s’agit de reconnaître que notre système fonctionne mieux lorsque tous ses composants sont alignés et communiquent efficacement.”
Les frictions concernent principalement les cas de crimes violents et de trafic de drogues, où les agents affirment que leur travail d’enquête répond aux normes raisonnables pour engager des poursuites, tandis que les procureurs de la Couronne maintiennent que les preuves, dans de nombreux cas, n’atteignent pas le seuil de “probabilité raisonnable de condamnation” requis pour procéder au procès.
L’analyste judiciaire Margaret Holden pointe vers les pressions systémiques comme facteur contributif. “Les bureaux de la Couronne à travers le Canada font face à des arriérés sans précédent et à des contraintes de ressources suite à l’arrêt Jordan”, a-t-elle expliqué, faisant référence à la décision de la Cour suprême qui a établi des délais plus stricts pour les procès criminels. “Cela conduit naturellement à une acceptation plus sélective des dossiers, ce que la police peut interpréter comme une réticence à poursuivre.”
Le chef McFee a proposé une solution complète en trois parties qui comprend des sessions de formation conjointe, l’intégration de procureurs de la Couronne au sein d’unités policières spécialisées, et des réunions trimestrielles d’examen pour traiter des tendances de rejet des dossiers. L’initiative, baptisée “Projet Cohésion”, a reçu un soutien provisoire du ministère de la Justice de l’Alberta, bien que les détails spécifiques du financement restent en discussion.
“Le public mérite un système de justice qui fonctionne de manière cohérente”, a déclaré Thomas Wells, porte-parole du ministère de la Justice de l’Alberta. “Nous saluons l’approche proactive du Service de police d’Edmonton pour renforcer cette relation cruciale.”
Les statistiques obtenues du Service de police d’Edmonton montrent qu’environ 23% des accusations recommandées par les agents au cours de l’exercice fiscal précédent ont été soit modifiées soit rejetées par les procureurs de la Couronne—un chiffre qui n’a cessé d’augmenter depuis 2019. Des tensions similaires sont apparues dans d’autres juridictions canadiennes, notamment à Vancouver et à Toronto, suggérant un modèle national plus large qui dépasse les personnalités ou les politiques locales.
L’avocate de la défense criminelle Jasmine Kaur a offert une perspective différente: “La police et la Couronne ont des obligations fondamentalement différentes. La police enquête sur les violations potentielles de la loi, tandis que les procureurs doivent considérer des questions plus larges d’intérêt public et de viabilité des procès. Cette tension naturelle, lorsqu’elle est correctement gérée, renforce en réalité notre système judiciaire.”
Le chef McFee a souligné que rebâtir la confiance entre les deux institutions nécessitera un effort soutenu. “Ce n’est pas quelque chose qui se règle en une seule réunion ou avec un changement de politique”, a-t-il noté. “Cela exige des changements culturels des deux côtés et un engagement renouvelé envers notre mission commune de sécurité publique.”
Alors qu’Edmonton est aux prises avec ce défi institutionnel, les résidents se demandent: dans un système conçu avec des freins et contrepoids intentionnels, comment s’assurer que la tension professionnelle nécessaire n’évolue pas vers un dysfonctionnement qui compromet ultimement la sécurité publique?