Les familiers camions rouges et blancs de Postes Canada deviennent une vision de plus en plus rare dans les quartiers canadiens alors que la grève nationale des postes entre dans sa deuxième semaine. Avec des négociations au point mort et des positions qui se durcissent des deux côtés, les experts en relations de travail avertissent les Canadiens de se préparer à des perturbations potentiellement longues du service postal qui pourraient s’étendre jusqu’au cœur de l’été.
“Nous observons un positionnement classique tant de la part de la société que du syndicat qui suggère qu’aucune des parties n’est prête à faire des concessions significatives à ce stade,” explique Dr. Malcolm Fraser, professeur en relations de travail à l’Université de Toronto. “Les désaccords fondamentaux concernant les augmentations salariales, la réforme des pensions et les conditions de travail représentent des obstacles importants qui nécessitent typiquement des semaines, et non des jours, pour être résolus.”
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui représente plus de 55 000 employés postaux, a déclenché la grève après avoir rejeté l’offre finale de Postes Canada qui incluait une augmentation salariale de 7 % sur quatre ans. Les dirigeants syndicaux ont qualifié cette proposition de “lamentablement inadéquate” compte tenu du taux d’inflation actuel et de l’augmentation des charges de travail auxquelles font face les facteurs en raison du boom du commerce électronique.
Postes Canada maintient que son offre est équitable et financièrement responsable, soulignant les défis permanents dans le secteur postal alors que les volumes de courrier traditionnel continuent leur déclin régulier. “Nous devons équilibrer les besoins légitimes de nos employés avec la réalité fiscale de nos opérations,” a déclaré Denise Thompson, porte-parole de Postes Canada, lors du point de presse d’hier.
Le moment choisi pour la grève a suscité des inquiétudes parmi les petites entreprises qui dépendent fortement des services postaux. Jennifer Westland, propriétaire de Délices Artisanaux, une entreprise en ligne de produits alimentaires spécialisés à Halifax, a confié à CO24 Affaires que la grève l’a forcée à se tourner vers des services de messagerie privés à des coûts nettement plus élevés. “Mes marges sont déjà serrées, et ces coûts d’expédition supplémentaires pourraient me forcer à augmenter mes prix pendant une période économique déjà difficile,” a-t-elle déclaré.
Pendant ce temps, les institutions financières et les organismes gouvernementaux encouragent leurs clients à passer aux communications et transactions numériques lorsque possible. Service Canada a émis des avis indiquant que certains chèques de prestations fédérales pourraient faire face à des retards, bien que les dépôts directs ne soient pas affectés.
Le ministre fédéral du Travail a jusqu’à présent résisté aux appels des associations d’entreprises à intervenir avec une législation de retour au travail. “Nous croyons au processus de négociation collective et encourageons les deux parties à revenir à des négociations constructives,” a déclaré le ministre dans un communiqué de presse obtenu par CO24 Nouvelles.
Les tendances historiques suggèrent que l’impasse pourrait persister. Le conflit de travail à Postes Canada en 2018 a duré 37 jours avant d’être résolu par une action législative, tandis que les conflits précédents en 2011 et 1997 se sont prolongés pendant des semaines avant leur résolution. L’historienne du travail Patricia McKenzie note que “les grèves postales au Canada ont tendance à être des affaires prolongées en raison de la nature essentielle mais non urgente du service.”
Pour les Canadiens ordinaires, les impacts deviennent de plus en plus évidents. Les médicaments essentiels, les documents gouvernementaux et les paiements de factures connaissent des retards. Les communautés rurales et éloignées, où les alternatives numériques sont limitées, ressentent les effets de façon plus aiguë.
Bien que des pourparlers sous médiation soient prévus pour reprendre lundi prochain, il semble y avoir peu d’optimisme pour une résolution rapide. Les deux parties restent retranchées dans leurs positions, le président du STTP, Daniel Morrison, ayant déclaré hier que les membres sont “prêts pour la longue haleine” si nécessaire.
Alors que cette perturbation postale prolongée se déroule, les consommateurs et entreprises canadiens se tourneront-ils définitivement vers des alternatives numériques, compromettant potentiellement le service même pour lequel les grévistes se battent?